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Nouveautés en matière de transparence des entreprises au Québec

Auteurs : Marie-Andrée Latreille, John J. Lennard et Amélie Racine

L’Assemblée nationale du Québec a sanctionné le 8 juin 2021 le projet de loi 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (le « PL 78 »). Comme son nom l’indique, le PL 78 vise à accroître la transparence des entreprises opérant au Québec, et ce, dans la foulée d’efforts internationaux visant à contrer la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes. Pour ce faire, le PL 78 apporte des modifications à la Loi sur la publicité légale des entreprises (la « LPLE ») qui ajoutent un nouveau pan au rôle du Registraire des entreprises du Québec (le « REQ »). Le Québec suit donc et dépasse même le législateur fédéral et plusieurs provinces canadiennes ayant récemment intégré des projets de loi similaires au sein de leur droit des sociétés.

Qui sont les assujettis?

Les assujettis sont les personnes et entités qui doivent être immatriculées au REQ en vertu de la LPLE ou qui le sont volontairement, entre autres les sociétés par actions, les sociétés de personnes, les fiducies à caractère commercial, les coopératives, les entreprises individuelles et certains autres groupements faisant affaire au Québec, peu importe leur lieu de constitution.

Assujettis exemptés

Les organismes à but non lucratif, les sociétés d’État, les émetteurs assujettis, certaines institutions en vertu de la Loi sur les assureurs, les sociétés de fiducie, les banques et les associations seront tous exemptés de l’obligation de divulguer les renseignements par rapport à leurs bénéficiaires ultimes.

Qui sont les bénéficiaires ultimes?

Général

Un bénéficiaire ultime est une personne physique ou une entité assimilée à une personne physique satisfaisant l’une ou l’autre des conditions suivantes :

  1. elle est détentrice, même indirectement, ou bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités de l’assujetti lui conférant 25 % ou plus des votes;
  2. elle est détentrice, même indirectement, ou bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités d’une valeur correspondant à 25 % ou plus de la juste valeur marchande de toutes les actions, parts ou unités émises par l’assujetti;
  3. elle a une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait de l’assujetti;
  4. elle en est le commandité ou, si un commandité de l’assujetti n’est pas une personne physique, elle satisfait à l’une des conditions visées aux paragraphes i. et iii. ou est partie à une entente visée au paragraphe suivant à l’égard de ce commandité;
  5. elle en est le fiduciaire.

Les personnes physiques ou les entités assimilées à des personnes physiques ayant convenu d’exercer conjointement leurs droits de vote de sorte qu’ensemble, elles ont la faculté d’exercer 25 % des votes de l’assujetti, sont aussi des bénéficiaires ultimes de cet assujetti.

Entités assimilées à une personne physique

Les entités, immatriculées ou non, appartenant à une catégorie d’un assujetti exempté, tel que décrit plus haut, sont assimilées à une personne physique aux fins de déterminer les bénéficiaires ultimes.

De surcroît, une personne morale agissant à titre de fiduciaire est assimilée à une personne physique.

Fiducies

Sous certaines conditions, les bénéficiaires de fiducies seront des bénéficiaires ultimes. Cependant, les bénéficiaires d’une fiducie testamentaire ne peuvent être des bénéficiaires ultimes.

Entreprises individuelles

Dans le cas d’un assujetti qui est une personne physique exploitant une entreprise individuelle, celle-ci est présumée en être le seul bénéficiaire ultime, à moins qu’il ne déclare le contraire.

Renseignements et documents à divulguer

Les assujettis devront communiquer au REQ une copie d’une pièce d’identité émise par une autorité gouvernementale pour chacun de leurs administrateurs et déclarer leur date de naissance. Les assujettis seront également tenus de déclarer la date de naissance de leurs trois actionnaires détenant le plus de voix, de leur président, de leur secrétaire et de leur principal dirigeant.

Pour les sociétés de personnes, la date de naissance de chaque associé ou, s’il s’agit d’une société en commandite, la date de naissance de chaque commandité ainsi que ceux des trois commanditaires ayant fourni le plus grand apport devra être divulguée au REQ.

De plus, des renseignements concernant les bénéficiaires ultimes des assujettis devront être dévoilés. L’information exigée comprend les nom, adresse et date de naissance des bénéficiaires ultimes ainsi que « le type de contrôle exercé par chacun d’eux ou le pourcentage d’actions, de parts ou d’unités qu’ils détiennent ou dont ils sont bénéficiaires ». En outre, la date à laquelle un bénéficiaire ultime l’est devenu et celle à laquelle il a cessé de l’être devront être déclarées.

Pour toutes les personnes physiques inscrites au REQ, il sera possible de déclarer une adresse professionnelle en plus de l’adresse de domicile.

Qui peut consulter les renseignements au REQ?

En règle générale, les renseignements au REQ sont disponibles pour être consultés par tous, et ce, gratuitement. Ainsi, des exceptions à la disponibilité pour consultation de l’information qui devra être déclarée ont été introduites lors de l’étude détaillée en commission du projet. En effet, la date de naissance, le domicile d’une personne physique — si une adresse professionnelle est déclarée — ainsi que les nom et domicile des mineurs qui sont des bénéficiaires ultimes ne seront pas publics.

Néanmoins, le PL 78 permettra au grand public d’effectuer une recherche par nom de personne physique, contrairement aux autres lois nord-américaines en la matière. Un vaste éventail d’entreprises et d’organismes gouvernementaux pourront aussi conclure des ententes avec le REQ afin d’accéder à un regroupement d’information.

Pénalités

Les pénalités et les mesures administratives existantes sous la LPLE seront applicables pour les assujettis ne se conformant pas aux nouvelles exigences. Les sanctions peuvent inclure la radiation d’office des entreprises contrevenantes et des pénalités allant de 500 $ à 25 000 $.

Entrée en vigueur

Les assujettis disposeront d’un sursis jusqu’à leur première mise à jour annuelle suivant la date d’entrée en vigueur des dispositions pertinentes pour communiquer les renseignements et documents requis. À ce jour, la date d’entrée en vigueur des dispositions pertinentes est inconnue, mais il est envisagé que celle-ci survienne vers la fin de 2022.

Personne-ressource

Marie-Andrée Latreille

Marie-Andrée Latreille

Avocate-conseil senior

514.841.6405

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