6 mars 2025 - Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, François-Philippe Champagne (le « ministre »), a annoncé la mise à jour des lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements (les « lignes directrices ») adoptées en application de la Loi...
Virage vert : lignes directrices proposées par le Bureau de la concurrence du Canada
Lignes directrices proposées et consultation publique sur les déclarations environnementales – ce que les entreprises doivent savoir
Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence du Canada (la « Loi ») en juin 2024 ont suscité un grand intérêt (et des critiques) de la part du monde des affaires et du milieu juridique au Canada. En cause, de nouvelles dispositions concernant l’« écoblanchiment », qui prévoient explicitement que les entreprises doivent fonder leurs déclarations à l’intention du public canadien sur des éléments corroboratifs quand il est question des avantages d’une entreprise, de l’activité d’une entreprise, d’un produit ou d’un service pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques.
Peu après l’adoption de ces modifications, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a affirmé avoir reçu « un grand nombre de demandes pour obtenir des orientations » au sujet des dispositions concernant l’écoblanchiment. Le Bureau a rapidement lancé une première consultation publique pour l’aider à élaborer des lignes directrices sur les mesures d’application relatives aux déclarations environnementales. Avant les modifications adoptées récemment, le Bureau avait également publié un bulletin dans lequel il exposait son point de vue sur les mesures d’application relatives aux déclarations environnementales visées par la Loi. Le bulletin reprenait essentiellement les principes généraux dont le Bureau tient compte pour évaluer les déclarations sur le fondement des dispositions de la Loi concernant les indications trompeuses.
Quelques jours avant la fin de 2024, le Bureau a publié, aux fins de consultation publique, de nouvelles lignes directrices sur l’approche qu’il utilisera afin d’évaluer les déclarations environnementales aux termes de la Loi, y compris les nouvelles dispositions concernant l’écoblanchiment. La période de consultation du Bureau se poursuit jusqu’au 28 février 2025.
Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons une analyse sur les principaux éléments des lignes directrices du Bureau sur les déclarations gouvernementales, notamment ses orientations provisoires publiées récemment.
Le projet de loi C-59 et les modifications relatives à l’écoblanchiment
À la suite de l’adoption du projet de loi C-59, le 20 juin 2024, deux nouvelles dispositions visant à lutter contre l’« écoblanchiment » ont été ajoutées aux dispositions civiles de la Loi concernant les indications trompeuses :
- La première disposition porte sur les déclarations concernant les produits (lesquelles, par définition, englobent les déclarations concernant les services). Selon cette disposition, il est interdit de donner au public, sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie visant les avantages d’un produit ou d’un service « pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques » des indications qui ne se fondent pas sur une « épreuve suffisante et appropriée ». Une « épreuve suffisante et appropriée » était déjà requise par la Loi pour étayer l’exactitude des déclarations concernant le rendement.
- La deuxième disposition porte de façon plus générale sur les déclarations concernant les entreprises et les activités des entreprises. Selon cette disposition, il est interdit de donner au public des indications sur « les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques » à moins que ces indications se fondent sur des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ». Malheureusement, l’expression « méthode reconnue à l’échelle internationale » ne figure à aucun autre endroit dans la Loi. Par ailleurs, cette notion n’a pas été bien définie dans le cadre des discussions législatives qui ont mené à l’adoption des modifications. Par conséquent, cette disposition a suscité une grande incertitude parmi les entreprises exerçant leurs activités au Canada.
Avant l’adoption de ces dispositions concernant l’« écoblanchiment », les entreprises qui donnaient des indications sur l’incidence environnementale de leurs produits ou services étaient déjà tenues de se conformer aux dispositions générales de la Loi concernant les indications trompeuses. Cependant, pour certains types de déclarations environnementales, les dispositions concernant l’écoblanchiment ont une portée plus large que ces dispositions générales, car elles (i) s’appliquent précisément aux indications sur les entreprises et les activités des entreprises (et non seulement à leurs produits et services) et (ii) prévoient que de telles indications doivent se fonder sur des éléments corroboratifs obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.
Modifications connexes
À compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront présenter une demande d’autorisation auprès du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») pour porter une action en justice fondée sur les dispositions civiles de la Loi concernant les indications trompeuses, y compris les nouvelles dispositions concernant l’écoblanchiment. Cependant, jusqu’au 20 juin 2025, seul le Bureau peut prendre des mesures d’application à l’égard de ces dispositions.
Si le Bureau (ou, à compter de juin 2025, une partie privée) a gain de cause dans une action fondée sur les dispositions concernant les indications trompeuses, le Tribunal peut ordonner à une entreprise de :
- cesser d’adopter le comportement contesté;
- payer une sanction pouvant atteindre le plus élevé des montants suivants (i) 10 millions de dollars (ou 15 millions de dollars pour une violation subséquente); et (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, ou, si ce montant ne peut pas être déterminé, trois pour cent des recettes globales brutes annuelles de l’entreprise;
- payer un montant à titre de restitution aux consommateurs touchés;
- publier un avis en vue de corriger l’indication trompeuse.
Comme des sanctions potentiellement élevées peuvent être imposées en cas de violation des dispositions concernant l’écoblanchiment, il est important que les entreprises évaluent soigneusement leurs déclarations environnementales. Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons les éléments clés des lignes directrices du Bureau à ce jour en vue de faciliter la réalisation de l’évaluation.
Première consultation publique et lignes directrices
Le 22 juin 2024, le Bureau a lancé une première consultation publique au sujet des nouvelles dispositions concernant l’écoblanchiment. En parallèle, le Bureau a publié le septième volume du Recueil des pratiques commerciales trompeuses (le « Recueil »), une publication diffusée ponctuellement. Ce volume porte sur l’approche générale du Bureau relativement aux déclarations environnementales visées par la Loi.
La première consultation publique avait pour objectif d’aider le Bureau à élaborer ses futures lignes directrices sur les mesures d’application visant les déclarations environnementales, en général, et les dispositions concernant l’écoblanchiment, en particulier. Les questions posées aux fins de discussion étaient de nature générale et ne permettaient guère d’en apprendre davantage sur la façon dont le Bureau était susceptible d’interpréter les dispositions. Toutefois, il convient de relever certains éléments clés du Recueil, qui peuvent être considérés comme les « principes fondamentaux » à respecter en matière de déclarations environnementales au Canada :
- Le Recueil présente les catégories de déclarations environnementales qui font majoritairement l’objet de plaintes auprès du Bureau, à savoir :
- les déclarations concernant la composition des produits ou de l’emballage (par exemple, prétendre qu’il s’agit de papier recyclé à 100 %);
- les déclarations concernant les étapes de la production ou les ressources utilisées dans ce processus (par exemple, déclarer que le procédé de production est carboneutre);
- les déclarations concernant l’élimination des produits après leur consommation (par exemple, prétendre qu’un produit est recyclable);
- les déclarations comparatives (par exemple, indiquer qu’un produit consomme 25 % moins d’eau);
- les déclarations vagues (par exemple, affirmer qu’un produit est écologique);
- les déclarations concernant l’avenir (par exemple, les déclarations relatives à la carboneutralité d’ici une certaine date ou qui attirent l’attention sur des projets écologiques, mais qui ne pèsent pas lourd par rapport à l’incidence de l’ensemble des activités de l’entreprise).
Les déclarations faisant partie de ces catégories doivent faire l’objet d’une attention particulière, car le public, y compris les groupes de défense de l’environnement, semble les surveiller de près.
- Le Recueil expose aussi des orientations générales concernant les déclarations environnementales, notamment des recommandations aux fins suivantes :
- veiller « à ce que les renseignements clés nécessaires, pour que les consommateurs ne soient pas induits en erreur, fassent partie » de la déclaration de façon à ce qu’elles influencent l’impression générale qui se dégage de la déclaration;
- pour ce qui est des déclarations concernant le rendement, s’assurer que les déclarations sont fondées sur une épreuve suffisante et appropriées à l’appui de la déclaration, l’épreuve devant être effectuée avant que la déclaration ne soit rendue publique;
- préciser ce qui est comparé;
- éviter les exagérations (« même si chaque petit geste compte pour l’environnement, cela ne veut pas dire qu’ils devraient être annoncés comme s’ils étaient majeurs »);
- éviter les déclarations environnementales vagues et favoriser les déclarations claires et précises;
- faire preuve de prudence en s’assurant que les déclarations prospectives sont fondées sur des faits plutôt que des souhaits.
Bien que ces lignes directrices énoncent des principes généraux qui pourraient s’appliquer à tout type d’indications à l’intention du public, il est préférable d’en tenir compte lors de l’évaluation d’éventuelles déclarations environnementales destinées aux consommateurs.
Consultation publique en cours sur les lignes directrices proposées
Le 23 décembre 2024, le Bureau a publié aux fins de consultation publique une version préliminaire de ses lignes directrices sur les déclarations environnementales. Ces lignes directrices (contrairement à leur version initiale publiée plus tôt dans l’année) traitent de l’approche du Bureau relativement aux nouvelles dispositions concernant l’écoblanchiment, ainsi que de l’application des dispositions générales concernant les indications fausses ou trompeuses aux déclarations environnementales.
D’entrée de jeu, pour ce qui est des dispositions concernant l’écoblanchiment, il est précisé dans les lignes directrices proposées que le Bureau concentre ses efforts en matière d’application de la loi sur les indications données à des fins de marketing et de promotion « plutôt que sur les indications données exclusivement à une fin différente, par exemple celles données aux investisseurs et actionnaires dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières ». Il est également mentionné dans les lignes directrices que, si des indications données dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières sont ensuite utilisées dans du matériel promotionnel, elles seront considérées comme des indications publicitaires. Cette précision devrait malgré tout rassurer les entreprises qui craignaient que les dispositions concernant l’écoblanchiment, qui ont été élargies pour y inclure explicitement les déclarations relatives aux entreprises et aux activités commerciales, puissent s’appliquer aux renseignements figurant dans les dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières.
Les lignes directrices proposées prévoient également ce qui suit :
- Le Bureau interprétera la notion d’« épreuve suffisante et appropriée » en se fondant sur la jurisprudence existante, selon laquelle cette exigence s’inscrit dans le cadre des dispositions plus générales de la Loi concernant les indications trompeuses. Autrement dit, il convient d’utiliser une épreuve « qui a la capacité, qui est apte, qui convient ou qui est dictée par les circonstances ». Comme il s’agit d’une norme souple, il est nécessaire de réaliser une évaluation de la déclaration propre au contexte et de suivre des procédures adéquates pour ce qui est de l’épreuve.
- Le Bureau « considérera vraisemblablement qu’une méthode est reconnue à l’échelle internationale si elle est reconnue dans au moins deux pays ». Il convient de souligner que, d’après les lignes directrices, il n’est pas requis selon la Loi que la méthode soit reconnue par les gouvernements d’au moins deux pays. Les lignes directrices mentionnent également qu’une méthode élaborée par une industrie et reconnue dans au moins deux pays pourrait satisfaire à cette exigence (les éléments corroboratifs obtenus au moyen de cette méthode doivent également être suffisants et appropriés).
- L’épreuve et la vérification par un tiers ne seront pas nécessairement requises pour satisfaire l’exigence selon laquelle des éléments corroboratifs doivent être obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale, à moins que l’épreuve ou la vérification soient requises dans le cadre de cette méthode. Toutefois, selon les lignes directrices, la vérification par un tiers pourrait néanmoins être utile pour asseoir la crédibilité des déclarations.
- Le Bureau « part du principe que les méthodes requises ou recommandées par des programmes gouvernementaux au Canada pour étayer les déclarations environnementales sont compatibles avec les méthodes reconnues à l’échelle internationale ». Le Bureau ajoute toutefois que les entreprises seront tout de même tenues de confirmer que ces méthodes sont reconnues à l’échelle internationale et permettent d’obtenir des éléments corroboratifs adéquats pour étayer les déclarations. Dans un rapport du Comité sénatorial portant sur les modifications, il est plus évident que l’intention est de reconnaître les méthodes approuvées par les gouvernements canadiens. Le « Comité estime que l’analyse [visant à déterminer ce qui est considéré comme une méthode reconnue à l’échelle internationale] devrait aussi inclure les meilleures pratiques qu’elles soient fédérales, ou de partout ailleurs au Canada, telles que celles définies par Environnement et Changement climatique Canada ». Cependant, si les approbations d’Environnement et Changement climatique Canada sont « reconnues » dans au moins un autre pays aux fins de la disposition de la Loi concernant l’écoblanchiment, elles peuvent être suffisantes selon les lignes directrices proposées par le Bureau. Reste à voir si ce point sera précisé à l’issue de la consultation publique.
Bien que ces avis soient généralement utiles, il est regrettable que des lignes directrices plus précises ou plus détaillées n’aient pas été fournies, d’autant plus que les entreprises canadiennes ont souligné que les dispositions sont source d’une grande incertitude. À titre de comparaison, les lignes directrices précédentes du Bureau, présentées dans le guide sur les déclarations environnementales, qui est désormais archivé, fournissaient des instructions détaillées (et utiles) sur l’utilisation de types particuliers de déclarations et de formulations. Depuis que le Bureau a archivé le guide sur les déclarations environnementales en 2021, il fait savoir que le guide ne correspond plus à son point de vue. Par conséquent, les entreprises qui font de la publicité au Canada ont une vision moins précise de l’approche utilisée par le Bureau en ce qui concerne ces types de déclarations.
Il convient également de noter qu’avant l’adoption des nouvelles dispositions concernant l’écoblanchiment, Environnement et Changement climatique Canada élaborait des lignes directrices détaillées en lien avec le règlement qui devait être pris en application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE) au sujet de l’étiquetage du contenu recyclable, compostable et recyclé. En 2023, Environnement et Changement climatique Canada a publié un document-cadre qui présentait une analyse détaillée sur la façon dont les entreprises canadiennes devraient procéder pour ce qui est de l’étiquetage et des déclarations concernant le contenu recyclable et compostable. Cependant, les lignes directrices proposées par le Bureau ne font pas mention de ces activités précises et n’indiquent aucunement que les entreprises canadiennes qui se conforment aux règles d’étiquetage proposées éviteront les contestations de la part du Bureau.
Le Bureau acceptera les commentaires présentés dans le cadre de sa consultation publique jusqu’au 28 février 2025.
Implications
Depuis plusieurs années, le Bureau affirme que les déclarations environnementales trompeuses sont une priorité en matière d’application de la loi. À cet objectif s’ajoute l’action des groupes environnementaux, qui ont fréquemment déposé des plaintes auprès du Bureau et ont été à l’origine d’enquêtes sur des déclarations concernant l’écoblanchiment de la part d’entreprises faisant de la publicité au Canada.
Comme les dispositions civiles de la Loi concernant les indications trompeuses, y compris les dispositions concernant l’écoblanchiment, seront élargies prochainement pour inclure les actions privées, l’attention portée aux déclarations environnementales devrait être encore plus soutenue. Bien que les lignes directrices proposées par le Bureau apportent des précisions utiles, elles ne donnent pas d’indications détaillées sur la façon dont les entreprises doivent procéder en ce qui concerne certains types de déclarations environnementales. Il convient également de noter que le Tribunal de la concurrence et les plaignants privés ne sont pas liés par ces lignes directrices. Par conséquent, les entreprises exerçant des activités au Canada devraient envisager de mettre en place un processus rigoureux pour vérifier et étayer, avant leur publication, les déclarations environnementales, en particulier les déclarations visées par les récentes modifications relatives à l’écoblanchiment.
Personnes-ressources
Connexe
28 févr. 2025 - Le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l (« Davies ») a le plaisir de soumettre le présent mémoire au Bureau de la concurrence (le « Bureau ») en réponse à la publication des lignes directrices proposées par le Bureau en décembre 2024, « Déclarations environnementales et la...