La ministre des Finances du Canada Chrystia Freeland a présenté l’Énoncé économique de l’automne du gouvernement fédéral (l’« Énoncé »), dans lequel elle annonce l’intention du gouvernement d’apporter « au droit de la concurrence au Canada les modifications les plus importantes de notre génération » et ainsi « contribuer à la stabilisation des prix et offrir plus de choix aux Canadiennes et aux Canadiens ». L’Énoncé, présenté le 21 novembre 2023, précise que les changements proposés « permettront au Canada de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales afin de s’assurer que les marchés au pays favorisent l’équité, des prix abordables et l’innovation ».
Selon l’Énoncé, le gouvernement entend proposer des modifications de la Loi sur la concurrence afin d’atteindre les objectifs suivants :
- « Renforcer les outils et les pouvoirs dont dispose le Bureau de la concurrence pour lui permettre de sévir contre les abus des grandes entreprises en position dominante, comme la pratique de prix abusif.
- Moderniser davantage l’examen des fusions, notamment en donnant au Bureau de la concurrence les moyens de mieux détecter et traiter les « acquisitions anticoncurrentielles » et les autres fusions anticoncurrentielles.
- Renforcer la protection des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement, y compris l’interdiction de déclarations trompeuses en matière d’« écoblanchiment », en mettant davantage l’accent sur les répercussions sur les travailleurs dans l’analyse de la concurrence.
- Donner les moyens au commissaire de la concurrence d’élargir les types de collaborations [anticoncurrentielles] qu’il examine et de trouver des solutions efficaces pour veiller à ce que les comportements préjudiciables ne se répètent pas.
- Élargir la portée de la loi en permettant à un plus grand nombre de parties privées de porter des affaires devant le Tribunal de la concurrence et de recevoir un paiement si elles obtiennent gain de cause. »
Une autre proposition de modification de la Loi sur la concurrence qui figure dans l’Énoncé consiste en l’interdiction pour les fabricants de refuser de fournir les moyens de réparer des appareils et des produits de manière anticoncurrentielle (le « droit à la réparation »). L’Énoncé propose également l’adoption de nouvelles réformes dans les mois à venir afin de cibler les « frais indésirables » injustes ou excessifs imposés aux consommateurs, en particulier dans les secteurs du transport aérien, des télécommunications et des services bancaires. Ces modifications s’ajoutent aux modifications de la Loi sur le droit d’auteur, adoptées plus tôt cette année dans le cadre du projet de loi C-244, visant à accorder aux consommateurs ou aux entreprises un « droit à la réparation » des produits qu’ils ont achetés, ainsi qu’aux modifications de la Loi sur la concurrence adoptées en 2022 dans le cadre desquelles les dispositions relatives aux indications trompeuses ont été précisées de sorte que l’« indication de prix partiel » constitue une indication fausse ou trompeuse.
L’Énoncé contient également des propositions de modifications à la Loi sur le Tribunal de la concurrence visant à encadrer les frais juridiques accordés à la suite de procédures devant ce Tribunal. Cette question a particulièrement retenu l’attention après la récente décision rendue par le Tribunal aux termes de laquelle le Bureau de la concurrence a été condamné à payer des dépens de l’ordre de 13 millions de dollars canadiens aux défenderesses dans le cadre du litige entourant la fusion entre Rogers et Shaw.
Les changements législatifs proposés dans l’Énoncé s’ajoutent à ceux déjà à l’étude dans le cadre du projet de loi C-56 (qui en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes), dont il est question dans notre bulletin du 28 septembre 2023. Le projet de loi C-56 prévoit l’attribution d’un pouvoir officiel au Bureau de la concurrence associé aux « études de marché », l’abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience dans le cadre de l’examen des fusions et la capacité pour le Bureau de la concurrence de demander des ordonnances civiles contre les collaborations qui diminuent ou empêchent la concurrence, même entre non-concurrents. À la suite d’un accord conclu la semaine dernière entre les libéraux et le NPD, le Comité permanent des finances devrait élargir la portée de ce projet de loi en y ajoutant des modifications au critère pour établir un abus de position dominante et des sanctions plus sévères associées à une telle conduite, et en y étoffant certains aspects du nouveau pouvoir proposé du Bureau en matière d’études de marché.
Seules les grandes lignes des propositions sont présentées dans l’Énoncé. Par conséquent, les entreprises devront attendre que le gouvernement présente des modifications législatives précises avant d’être en mesure d’évaluer l’ampleur de l’incidence des changements prévus. Cela dit, il est clair que le gouvernement canadien a l’intention de poursuivre son objectif de réformer le droit canadien de la concurrence en renforçant de manière significative les pouvoirs d’application de la loi dont dispose le Bureau de la concurrence.
Le groupe de pratique Concurrence de Davies continuera de suivre de près l’évolution de la situation dans ce domaine et de vous tenir au courant.