Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs
Dans le présent article du Rapport sur la gouvernance, nous examinons dix nouveautés dont les chefs des affaires juridiques, les administrateurs et les investisseurs des sociétés ouvertes canadiennes doivent tenir compte à partir de 2025. 1. Rôle de surveillance des conseils d’administration : encore plus scruté et encore plus important Alors que les émetteurs s’adaptent et réagissent aux changements et au climat d’incertitude, les conseils d’administration doivent s’assurer qu’ils continuent de comprendre et de gérer les risques critiques pour la mission de la société en vue d’exercer une surveillance efficace de cette dernière. Les incidents hautement médiatisés survenus en 2024, du fait que les conseils d’administration auraient manqué à leurs obligations de surveillance en ce qui a trait à la gestion des risques, ainsi que la récente affaire Caremark aux États-Unis, montrent que les conseils d’administration font l’objet d’un examen de plus en plus rigoureux et qu’ils doivent faire preuve d’une plus grande vigilance. Les conseils d’administration doivent également composer avec un ensemble de risques à grande échelle de plus en plus complexes, notamment la possibilité de guerres commerciales, les risques géopolitiques, les effets des changements climatiques, l’intelligence artificielle (IA) et le recours toujours plus répandu aux cyberattaques et à l’espionnage industriel. En 2025, l’importance accrue de la surveillance des risques devrait continuer à alimenter la réflexion; il est donc essentiel que les conseils d’administration évaluent dans quelle mesure leurs politiques de gestion des risques permettent de se préparer et de répondre aux nouvelles réalités. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique Rôle de surveillance des conseils d’administration (p. 8). 2. Indications de la Cour suprême concernant la définition du terme « changement important » Si un « changement important » survient, les sociétés ouvertes canadiennes sont tenues d’en faire l’annonce sans délai. En ce qui concerne un émetteur, un changement important consiste notamment en « un changement dans ses activités commerciales, son exploitation ou son capital dont il est raisonnable de s’attendre qu’il aura un effet appréciable sur le cours ou la valeur de ses valeurs mobilières ». Bien que les tribunaux et les autorités en valeurs mobilières se soient penchés à maintes reprises sur la dernière partie de la définition, à savoir l’effet prévu du changement sur le cours de l’action de l’émetteur, ils n’ont guère eu l’occasion d’examiner ce en quoi consiste exactement pour un émetteur « un changement dans ses activités commerciales, son exploitation ou son capital ». Dans deux arrêts rendus en 2023, Markowich v Lundin Mining Corporation et Peters v SNC-Lavalin Group Inc. (les deux arrêts sont publiés en anglais seulement), la Cour d’appel de l’Ontario s’est appuyée sur une interprétation large du terme « changement », qui englobe un large éventail de faits nouveaux, allant des accidents importants aux incidents mineurs et pannes d’équipement. Selon le cadre retenu par la Cour, la question de savoir si un tel changement doit être annoncé sans délai ne dépend pas de sa nature ou de sa teneur, mais plutôt de la mesure dans laquelle on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait un effet sur le cours de l’action. La rédaction du présent rapport et les recherches préalables sont un projet de Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l., et non des travaux exécutés pour un client ou tout autre tiers. On ne doit pas considérer l’information contenue dans le présent rapport comme un conseil juridique. © 2025 Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l. Tous droits réservés. 1 Rapport sur la gouvernance 2025
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs 4. G estion des risques liés aux technologies d’IA et communication de l’information L’utilisation et le développement des technologies d’IA par les émetteurs ont, sans surprise, attiré l’attention des autorités de réglementation et des intervenants qui militent pour une saine gouvernance. Fin 2024, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié deux avis du personnel portant sur le sujet, dans lesquels il est fait mention de l’obligation pour les émetteurs de communiquer l’information concernant l’utilisation ou le développement de systèmes d’IA et les risques connexes pour leurs activités, si cette utilisation, ce développement ou ces risques sont importants. À cette occasion, les ACVM ont lancé une mise en garde contre le recours croissant à l’« IAblanchiment », une pratique qui consiste à communiquer de l’information exagérément promotionnelle pour tirer parti de l’intérêt grandissant des investisseurs à l’endroit de cette technologie. L’agence de conseil en vote Glass Lewis a modifié ses directives de vote pour mettre l’accent sur la manière dont les conseils d’administration surveillent l’utilisation et le développement des systèmes d’IA, tandis que les ACVM ont indiqué qu’elles s’attendaient à ce que les émetteurs adaptent leurs procédures de gestion des risques pour tenir compte de l’évolution rapide de la technologie. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique Gestion des technologies d’IA (p. 9). 5. É coblanchiment : nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence et mises en garde des ACVM Comme les investisseurs et les consommateurs s’intéressent de plus en plus aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), les autorités de réglementation ont été amenées à se pencher sur l’utilisation par les émetteurs de déclarations environnementales exagérément promotionnelles et trompeuses dans leurs activités de marketing auprès des consommateurs et dans l’information qu’ils communiquent à leurs investisseurs. Les sociétés doivent s’attendre à ce que le Bureau de la concurrence et les ACVM assurent une surveillance soutenue des pratiques d’« écoblanchiment » en 2025. Les émetteurs peuvent prendre les devants en vérifiant que leurs déclarations environnementales ne sont pas trop vagues ou trop générales et en les remplaçant par des déclarations précises et étayées. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique Écoblanchiment (p. 11). 1 Davies représente l’Association minière du Canada en sa qualité d’intervenant dans l’affaire Lundin. En 2024, la Cour suprême du Canada (la « CSC ») a accordé l’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt Lundin et a accepté d’entendre de nombreux intervenants sur la question1. L’audience s’est tenue le 15 janvier 2025 et la CSC devrait rendre une décision dans les prochains mois. Dans ses motifs, la CSC examinera sans doute la question de savoir si la Cour d’appel a élargi la portée des obligations d’information de l’émetteur d’une manière qui va au-delà de l’intention du législateur et donnera aussi probablement des indications sur ce que signifie pour un émetteur « un changement dans ses activités commerciales, son exploitation et son capital ». Quelle que soit l’issue de l’affaire, l’arrêt Lundin contribuera dans une large mesure à définir le cadre juridique qui s’applique à la communication d’information aux investisseurs. 3. A ctivisme actionnarial au Canada en 2024 et portée des mesures défensives de la cible Le niveau d’activisme actionnarial au Canada en 2024 correspond aux niveaux historiques. Fait intéressant, c’est l’investisseur qui a remporté une victoire décisive dans le cadre de deux campagnes d’activisme très médiatisées en 2024 (Gildan et Dye & Durham), ce qui a donné lieu dans chaque cas au remplacement complet des membres du conseil d’administration, un exploit rarement réalisé même une seule fois au cours d’une année donnée. En 2024, on a également observé que les conseils d’administration canadiens ont adopté, en réaction aux activités des activistes, de nouvelles façons créatives d’utiliser des mesures défensives, notamment un placement privé utilisé comme mesure de défense face à la campagne soutenue d’abstention de vote menée par des activistes (Mithaq) et une pilule empoisonnée dont le déclenchement est prévu à l’acquisition d’un seuil de 15 % des actions (Bitfarms). Bien que ces mesures défensives, comme le recours à une pilule empoisonnée assortie d’un seuil de 15 %, n’aient pas toutes été fructueuses, elles sont représentatives de deux tendances et préoccupations qui, selon nous, continueront d’être présentes en 2025 et au-delà. Premièrement, la façon dont est structurée la législation en valeurs mobilières et les orientations concernant la portée des mesures défensives acceptables doivent être revues pour tenir compte des changements survenus au cours des vingt dernières années dans les domaines des fusions et acquisitions de sociétés ouvertes et de l’activisme au Canada. Deuxièmement, les autorités en valeurs mobilières devraient envisager d’élargir leur champ d’intervention et de proposer des solutions simplifiées pour régler certains différends. En effet, obliger les participants du marché à faire valoir leur droit en s’adressant aux tribunaux des valeurs mobilières, ou pire encore, aux tribunaux de droit commun déjà engorgés, n’est pas une solution viable dans de nombreux différends compte tenu des délais serrés qui s’appliquent aux fusions et acquisitions faisant l’objet d’une opposition et aux courses aux procurations. Pour une analyse plus détaillée de l’activisme actionnarial au Canada en 2024 et des tendances à surveiller en 2025, veuillez consulter notre article du Rapport sur la gouvernance intitulé Examen de l’activisme actionnarial au Canada en 2024 : principales décisions et tendances à surveiller en 2025. 3 Rapport sur la gouvernance 2025 2 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs 7. P ropositions d’actionnaires : assemblées virtuelles, changements climatiques et mouvement anti-ESG La saison de sollicitation de procurations au Canada en 2024 a été marquée par un certain nombre de faits nouveaux en ce qui concerne les propositions d’actionnaires liées aux facteurs ESG, notamment des propositions ciblant les politiques et procédures des émetteurs relatives aux assemblées d’actionnaires virtuelles, des propositions liées aux changements climatiques et des initiatives visant à s’opposer à la prise en compte de facteurs ESG. En 2025, la question des assemblées d’actionnaires virtuelles devrait toujours retenir l’attention des actionnaires, car les autorités de réglementation et les intervenants qui militent pour une saine gouvernance continuent de publier des orientations à l’intention des émetteurs sur les pratiques exemplaires à suivre pour rendre la participation des actionnaires possible et accessible dans le cadre des assemblées virtuelles. Toutefois, les propositions liées aux changements climatiques risquent de perdre du terrain en 2025, sous l’influence du mouvement anti-ESG que l’on voit aux États-Unis. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique Propositions d’actionnaires (p. 13). 8. Diversité au sein des sociétés ouvertes du Canada En octobre 2024, les ACVM ont publié un rapport de la 10e année concernant la communication d’information sur la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction. Le rapport fait état d’une réalité que connaissent bien les intervenants qui évoluent à la fois dans les domaines de la gouvernance et de la diversité et de l’inclusion (DI). Si la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction des sociétés canadiennes inscrites à la Bourse de Toronto a manifestement augmenté au cours des dix dernières années, c’est dans les plus grandes entreprises du Canada que les progrès sont les plus marqués, une tendance qui semble toutefois s’essouffler. Malheureusement, dans le rapport de la 10e année des ACVM, aucune mise à jour n’est fournie sur l’état d’avancement du projet de règlement sur l’information quant à la diversité publié en 2023. Compte tenu du mouvement d’opposition aux initiatives DI aux États-Unis, il reste à voir si la législation canadienne progressera ou stagnera en 2025. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique La diversité au sein des sociétés ouvertes au Canada (p. 15). 9. Régime canadien de lutte contre l’esclavage : premier rapport annuel La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « Loi sur les chaînes d’approvisionnement ») du Canada a créé des remous lors de son entrée en vigueur le 1er janvier 2024, après des consultations limitées et sans qu’aucune ligne directrice connexe ait été publiée. Selon la Loi sur les chaînes d’approvisionnement, tous les émetteurs canadiens cotés en bourse et les autres entités qui exercent des activités au Canada (ou qui ont un établissement au Canada ou qui y possèdent des 6. P rogrès modestes concernant les obligations d’information liées aux changements climatiques En 2024, le Canada a progressé lentement vers la mise en œuvre des obligations d’information liées aux changements climatiques. En octobre 2024, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») en vue de rendre obligatoire la communication de l’information liée aux changements climatiques pour les grandes sociétés fermées constituées sous le régime fédéral. La portée de la proposition concernant l’information devant être communiquée n’a pas encore été confirmée, et rien n’indique que les provinces apporteront des modifications semblables à leurs lois sur les sociétés. Le gouvernement fédéral a affirmé qu’il s’efforcerait d’harmoniser les obligations d’information liées aux changements climatiques prévues par la LCSA au règlement sur les obligations d’information liée aux changements climatiques des ACVM, qui demeure à l’état de projet depuis 2021. En décembre 2024, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (le « CCNID ») a publié la version définitive des Normes canadiennes d’information sur la durabilité – NCID 1, qui traitent de l’information sur la durabilité au sens large, et des NCID 2, qui portent précisément sur l’information liée aux changements climatiques. Malgré les nombreux commentaires reçus lors des consultations publiques, la version définitive des normes du CCNID est quasi identique aux normes publiées par le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, ce qui permet à ce dernier de se rapprocher de son objectif de mettre en place des normes de base à l’échelle mondiale relativement à l’information sur la durabilité. Dans une déclaration publiée en même temps que la parution des normes du CCNID, les ACVM ont confirmé qu’elles continuaient à travailler à l’adoption d’un règlement sur les obligations d’information liée aux changements climatiques pour les sociétés ouvertes canadiennes, qu’elles examineraient les NCID 2 et les commentaires reçus par le CCNID lors de ses consultations, et qu’elles pourraient apporter les modifications appropriées pour les marchés financiers canadiens. Les ACVM ont également indiqué que, compte tenu du degré d’intégration des marchés, elles suivront avec attention l’évolution de la situation aux États-Unis. Le règlement sur les obligations d’information liée aux changements climatiques adopté par la Securities and Exchange Commission (la « SEC ») des États-Unis en mars 2024 a fait l’objet de nombreuses contestations judiciaires, et la plupart des observateurs prédisent qu’il ne survivra pas à l’administration Trump. Étant donné l’incertitude qui entoure le sort qui sera réservé au règlement de la SEC sur l’obligation d’information liée aux changements climatiques, les ACVM ont la lourde tâche de trouver une approche équilibrée qui répond raisonnablement aux exigences des investisseurs qui souhaitent que l’information communiquée soit cohérente, comparable et utile à la prise de décision, tout en s’assurant de ne pas imposer un régime canadien qui s’écarte trop de l’approche adoptée par nos voisins du Sud pour ce qui est de l’information liée aux changements climatiques. 5 Rapport sur la gouvernance 2025 4 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs actifs) et qui répondent aux conditions minimales relativement aux actifs, aux revenus ou aux employés à l’échelle mondiale sont tenus de présenter un rapport. Après avoir essuyé de nombreuses critiques au sujet de la loi, le gouvernement fédéral a demandé aux sociétés de simplement présenter un rapport fondé sur l’information dont elles disposaient à portée de main et a confirmé qu’aucune mesure d’application de la loi ne serait prise à l’encontre des entités qui ne respectent pas la loi. Toutefois, comme les rapports sont publiés, la pression exercée par l’opinion publique pourrait favoriser la communication de l’information par les entités et l’élaboration de pratiques sectorielles. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter la rubrique Régime canadien de lutte contre l’esclavage (p. 16). 10. Politique fiscale du Canada : changement de cap à prévoir Bien que le gouvernement fédéral ait adopté de nombreuses lois en matière fiscales dans les dernières années, l’évolution de la situation politique à l’échelle nationale et internationale pourrait venir remettre en question l’avenir de certaines des propositions les plus importantes. En 2025, les sociétés canadiennes doivent se préparer à de grands changements au Canada en matière fiscale. Le fait le plus marquant en 2024 a sans doute été la proposition du gouvernement fédéral, dans son budget du printemps, de faire passer le taux d’inclusion des gains en capital dans le calcul du revenu d’une demie à deux tiers (ce qui revient à augmenter d’un tiers l’impôt sur les gains en capital). Cette proposition a suscité un grand remous, de nombreux contribuables ayant pris des mesures pour réaliser les gains avant le 25 juin 2024, date prévue d’entrée en vigueur de la modification. Toutefois, la loi n’a pas encore été adoptée et n’entrera possiblement jamais en vigueur, compte tenu de l’imminence d’une élection fédérale et de l’opposition bien connue du Parti conservateur à cette modification. Conformément à sa pratique habituelle, l’Agence du revenu du Canada applique en ce moment les modifications proposées comme si elles étaient en vigueur, mais les contribuables devraient examiner attentivement la façon dont les gains en capital sont déclarés compte tenu de l’incertitude entourant la proposition de modification du taux d’inclusion. En outre, le gouvernement fédéral a récemment mis en place un nouvel impôt et une nouvelle taxe, qui fonctionnent indépendamment du régime de l’impôt sur le revenu : l’impôt minimum mondial (l’« IMM ») et la taxe sur les services numériques (la « TSN »). L’IMM s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la communauté internationale pour percevoir un impôt minimum de 15 % auprès des grands groupes multinationaux. Quant à la TSN, elle consiste en une taxe sur les revenus générés par la prestation de certains services en ligne aux résidents canadiens. Bien que ces changements soient désormais largement en vigueur, ils se sont heurtés à une opposition farouche et ont fait l’objet de menaces de représailles de la part des États-Unis. Compte tenu de la reprise des négociations commerciales qui devraient avoir lieu avec la nouvelle administration américaine, ces deux mesures fiscales pourraient être annulées ou réduites de manière considérable en 2025. Lectures supplémentaires 7 Rapport sur la gouvernance 2025 6 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs Rôle de surveillance des conseils d’administration Les conseils d’administration et les équipes de direction doivent veiller à s’acquitter de façon continue de leurs responsabilités en matière de repérage, de surveillance et de gestion des risques critiques auxquels leur entreprise est exposée. Les personnes chargées de la gérance d’une entreprise peuvent examiner de quelle façon la jurisprudence qui porte sur la surveillance des risques a évolué au Delaware pour alimenter leur réflexion sur le rôle des administrateurs et des dirigeants canadiens dans la gestion des risques critiques. ACTIONS EN JUSTICE DE TYPE CAREMARK AU DELAWARE Les actions en justice de type Caremark, ainsi appelées en raison de l’affaire In re Caremark International Inc. Derivative Litigation (1996) du Delaware, sont des actions intentées contre des administrateurs en raison d’un manquement à leurs obligations de surveillance, telles qu’elles sont établies dans la législation du Delaware. Les obligations de surveillance de type Caremark prévoient que les administrateurs peuvent être tenus responsables d’un manquement à leurs obligations de surveillance s’ils ont omis de mettre en œuvre des systèmes et des contrôles de communication de l’information ou d’en assurer la surveillance à l’égard des principaux risques de conformité auxquels la société est exposée. Les affaires de type Caremark ont porté sur différentes situations de fait, y compris l’omission d’avoir assuré la surveillance des risques en matière de salubrité alimentaire, laquelle avait mené à une éclosion de listériose; l’absence de mesures prises face aux signaux d’alarme soulevés dans le cadre d’essais cliniques; le défaut d’avoir veillé au respect des normes de sécurité des aéronefs; et, dans l’affaire récente McDonald’s Corporation Stockholder Derivative Litigation (2023), l’omission d’avoir réagi au harcèlement en milieu de travail. En outre, dans le cadre de l’affaire McDonald’s, la portée des obligations de type Caremark a été étendue aux dirigeants de sociétés, au motif que ceux-ci peuvent également être tenus par une obligation de surveillance, en particulier lorsque la question relève de leur domaine de responsabilité. La barre est haute pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une action en justice de type Caremark, et des questions demeurent quant à la mesure dans laquelle les obligations de ce type peuvent viser, en plus de la surveillance des questions critiques en matière de conformité, les risques commerciaux en général, en particulier compte tenu de la déférence judiciaire bien ancrée qui est accordée à l’appréciation commerciale d’un conseil d’administration. La jurisprudence a largement circonscrit les actions en justice de ce type à des « événements extrêmes » ou à des « risques critiques pour la mission » dont la surveillance a été si gravement déficiente qu’elle constitue de la mauvaise foi de la part des administrateurs (ou des dirigeants). OBLIGATIONS DE SURVEILLANCE AU CANADA Bien que les tribunaux canadiens n’aient pas reconnu les obligations de type Caremark en soi, il n’est pas impossible qu’une action semblable à celle intentée dans l’affaire Caremark relativement à la gestion et à la surveillance d’un risque important puisse, en présence de faits appropriés, être intentée au Canada sur le fondement de la common law existante et des obligations des administrateurs envers la société qui sont prévues par la loi, y compris le devoir de diligence et de loyauté. Les lois canadiennes sur les valeurs mobilières soulignent également l’importance de la fonction de surveillance du conseil d’administration. Les ACVM ont établi que le mandat du conseil d’administration doit reconnaître explicitement la « responsabilité de gérance de l’émetteur » qui incombe aux administrateurs, y compris celle « de définir les principaux risques de l’activité de l’émetteur et de veiller à la mise en œuvre de systèmes appropriés de gestion de ces risques ». Le conseil d’administration doit assurer l’intégrité de l’information financière et des autres documents d’information continue, un rôle qui revêt une importance particulière dans les règles énoncées. De plus, comme nous l’expliquons à la rubrique Gestion des technologies d’IA ci-dessous, les ACVM ont récemment fait savoir qu’elles s’attendent à ce que les émetteurs qui utilisent ou mettent au point des technologies d’IA « porte[nt] la plus grande attention à leurs pratiques de gouvernance et de gestion des risques ». NOTIONS FONDAMENTALES RELATIVES À LA SURVEILLANCE DES RISQUES À la lumière de ce qui précède, nous présentons ci-dessous quelques points essentiels que les conseils d’administration et les équipes de direction doivent retenir pour 2025 et les années à venir. — Les conseils d’administration et les équipes de direction doivent repérer activement les risques en matière de conformité juridique et les autres risques critiques pour la mission de leur entreprise, en mettant à profit leur expertise interne et en consultant des conseillers externes qui peuvent les éclairer dans le cadre de la prise de leurs décisions et contribuer à l’établissement de processus de gestion et d’évaluation des risques. Les comités spécialisés qui relèvent des conseils d’administration peuvent jouer un rôle important dans l’exécution de cette fonction de surveillance. — Les administrateurs et les dirigeants doivent s’assurer que des systèmes de déclaration et d’information adéquats ont été mis en place et que ces systèmes s’appliquent aux risques importants qui touchent l’entreprise et le secteur dans lequel la société exerce ses activités, et, bien évidemment, aux risques juridiques et à la conformité en matière de communication de l’information financière. — Il ne suffit pas de mettre en place des systèmes de déclaration et d’information; une fois en place, ceuxci doivent être activement surveillés. Les administrateurs et les dirigeants doivent s’intéresser de près aux données et aux renseignements qui émanent de ces systèmes de déclaration. Ils ne peuvent pas simplement ignorer les « signaux d’alarme » indiquant un cas de non-conformité, en particulier en ce qui a trait au respect des lois et aux questions d’ordre opérationnel clés. Gestion des technologies d’IA UTILISATION ET SURVEILLANCE DES SYSTÈMES D’IA En décembre 2024, les ACVM ont publié l’Avis 11-348 du personnel des ACVM et de consultation (Applicabilité du droit canadien des valeurs mobilières à l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle dans les marchés des capitaux), qui traite de l’utilisation des systèmes d’IA par les émetteurs et, de façon plus générale, dans les marchés financiers. 9 Rapport sur la gouvernance 2025 8 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs Selon les ACVM, les émetteurs doivent adopter des procédures de gouvernance et de surveillance des risques ou adapter celles qui existent actuellement (notamment celles qui sont liées à la reddition de comptes et à la gestion des risques) pour tenir compte de l’intégration des systèmes d’IA à leurs activités (« Les politiques et procédures devraient tenir compte des particularités des systèmes d’IA et des risques qu’ils entraînent. ») et utiliser des systèmes ou procéder à l’intégration de systèmes dont les données extraites sont « explicables » (« [L]e recours à des systèmes d’IA reposant sur certaines techniques qui ne sont guère explicables – on les appelle parfois les “boîtes noires” – peut nuire à la transparence, à la reddition de comptes, à la tenue de dossiers et à l’auditabilité. »). L’attention accrue accordée aux risques que présentent les systèmes d’IA sur le plan commercial a également incité les agences de conseil en vote à faire part de leur avis. Glass Lewis a mis à jour ses lignes directrices (en anglais seulement) en matière de vote pour 2025 afin de recommander aux émetteurs qui utilisent des technologies d’IA ou qui en mettent au point d’établir des « cadres internes solides qui tiennent compte de considérations éthiques et permettent d’assurer une surveillance adéquate de l’IA » [traduction]. Glass Lewis recommande également aux émetteurs de combler les lacunes en matière de compétences au sein de leur conseil d’administration par la formation des administrateurs et l’élection de membres qui possèdent une expertise liée à l’IA. Elle recommande en outre de communiquer de l’information sur le rôle que joue le conseil d’administration dans la surveillance des questions liées à l’IA, notamment la façon dont les émetteurs « s’assurent que les administrateurs sont bien au fait de cette question aux contours changeants qui évolue rapidement » [traduction]. La façon dont Glass Lewis s’y prendra pour lier ses recommandations de vote aux questions d’IA demeure à voir, bien que la société ait prévenu qu’elle évaluera de près les renseignements communiqués par les émetteurs et la façon dont les conseils d’administration abordent et traitent ces questions. Glass Lewis peut recommander l’exercice d’un vote contre les administrateurs si elle juge que la surveillance exercée par le conseil d’administration, l’information communiquée par celui-ci et les mesures prises par celui-ci sont insuffisantes. Glass Lewis peut surveiller plus étroitement un conseil d’administration dans les cas où « il a été démontré qu’une surveillance et/ou une gestion insuffisantes des technologies d’IA a causé un préjudice important aux actionnaires » [traduction]. Pour une analyse plus approfondie de ces questions, veuillez consulter notre article du Rapport sur la gouvernance intitulé L’intelligence artificielle et la gouvernance : principales questions d’intérêt pour les conseils d’administration avisés. INFORMATION SUR L’UTILISATION DES SYSTÈMES D’IA ET LES RISQUES INHÉRENTS À CEUX-CI À la suite de leur dernier examen des documents d’information continue, les ACVM ont publié, en novembre 2024, l’Avis 51-365 du personnel des ACVM (Activités du programme d’examen de l’information continue pour les exercices terminés les 31 mars 2024 et 31 mars 2023). Dans le cadre de cet examen, les ACVM ont remarqué que l’intérêt des investisseurs pour l’IA a conduit certains émetteurs à faire des déclarations inexactes, partiales ou qui embellissent la vérité au sujet de leur entreprise afin de susciter un engouement pour leurs titres. Les ACVM ont constaté que certains émetteurs ont recours actuellement à la pratique de l’IA-blanchiment, qui consiste à faire des allégations fausses, trompeuses ou exagérées au sujet de l’utilisation de systèmes d’IA dans les produits ou les services pour tirer profit de l’intérêt croissant envers ce domaine. Les ACVM rappellent aux émetteurs d’éviter un tel langage au caractère promotionnel exagéré en veillant à ce que la communication de l’information soit factuelle et impartiale, et leur recommandent de privilégier les déclarations précises et factuelles plutôt que les déclarations générales. Bien que les émetteurs doivent s’abstenir d’avoir recours à l’IA-blanchiment, les ACVM leur rappellent que l’information portant sur l’utilisation des systèmes d’IA ou le développement de produits ou de services qui s’appuient sur des systèmes d’IA, ainsi que des risques qui en découlent, devrait figurer dans leurs documents d’information continue lorsque cette utilisation, ce développement ou ce risque est important : « La présentation d’information exhaustive peut aider les investisseurs ou les clients à comprendre l’étendue et la portée de l’usage des systèmes d’IA chez un participant aux marchés, et à mieux saisir les risques importants qui en découlent. » La communication de l’information devrait être adaptée aux particularités de l’émetteur et aider les investisseurs à mieux comprendre de quelle façon l’émetteur utilise les systèmes d’IA ainsi que les risques propres à cette utilisation, y compris les risques opérationnels et réglementaires, les risques relatifs aux tiers, les risques sur le plan éthique et de la concurrence et les risques en matière de cybersécurité. INFORMATION PROSPECTIVE Les ACVM soulignent, dans les deux avis du personnel, que l’information axée sur des mesures à venir, notamment l’utilisation ou le développement éventuel ou futur de systèmes d’IA par un émetteur, peut constituer de l’« information prospective » au sens des lois sur les valeurs mobilières. L’émetteur ne peut communiquer l’information prospective que si certaines exigences sont respectées. Il doit notamment s’être fondé sur des éléments raisonnables et doit avoir indiqué les facteurs de risque importants qui pourraient faire en sorte que les résultats réels diffèrent sensiblement de l’information prospective. SURVEILLANCE ACCRUE Compte tenu de l’intérêt marqué pour l’IA au sein du marché, on s’attend à ce que les autorités canadiennes en valeurs mobilières effectuent un suivi de l’information continue publiée à ce sujet et communiquent avec les émetteurs lorsque des préoccupations sont soulevées. Les émetteurs qui utilisent ou mettent au point des technologies d’IA doivent se montrer proactifs et bien examiner l’information communiquée afin de répondre aux préoccupations des organismes de réglementation concernant l’IA-blanchiment. Les conseils d’administration doivent également s’attendre à ce que les organismes de réglementation et les agences de conseil en vote exercent une surveillance accrue de la façon dont ils supervisent et gèrent l’utilisation et la mise au point des systèmes d’IA et les risques qui en découlent. Écoblanchiment MISES À JOUR DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE Parmi les nombreuses modifications importantes apportées à la Loi sur la concurrence qui sont entrées en vigueur en juin 2024, les nouvelles dispositions relatives à l’« écoblanchiment » sont dignes de mention. Ces dispositions interdisent à quiconque de faire des déclarations ou de donner des garanties au public (i) « visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques » qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée; et (ii) concernant les « avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques », à moins que cellesci ne soient fondées sur des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ». La violation de ces dispositions peut entraîner l’imposition d’une 11 Rapport sur la gouvernance 2025 10 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs sanction dont le montant correspond à (i) 10 millions de dollars canadiens (15 millions de dollars canadiens pour les comportements répétitifs) ou, si ce montant est supérieur, à (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, ou encore, si ce montant ne peut pas être établi de façon raisonnable, à 3 % des recettes mondiales brutes. La portée de ces dispositions et les sanctions importantes susceptibles d’être imposées ont suscité la controverse et des préoccupations dans le milieu des affaires. Entre autres préoccupations, le concept de « méthode reconnue à l’échelle internationale » n’est défini nulle part dans la législation et soulève des questions sur la façon dont cette norme peut être respectée. En décembre 2024, le Bureau a publié la version préliminaire de ses lignes directrices, qui font actuellement l’objet de consultations publiques jusqu’au 28 février 2025. Les lignes directrices proposées indiquent que les mesures d’application de la loi envisagées par le Bureau portent sur les indications données à des fins de marketing et de promotion, « plutôt que sur les indications données exclusivement à une fin différente, par exemple celles données aux investisseurs et actionnaires dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières ». Cela étant dit, les lignes directrices précisent également que si les indications données dans les documents relatifs aux valeurs mobilières sont reproduites dans les documents promotionnels, il sera établi que celles-ci constituent des indications se rapportant aux documents publicitaires. Les lignes directrices du Bureau sur ce point sont utiles, mais il est peu probable qu’elles aient une incidence sur l’opinion ou l’approche des demandeurs privés qui, à compter de juin 2025, seront en mesure d’intenter des actions devant le Tribunal de la concurrence (avec autorisation) et de demander la restitution des bénéfices tirés d’un tel comportement trompeur. La capacité d’un tiers de demander une autorisation en se fondant sur des questions d’« intérêt public » est susceptible d’entraîner une augmentation des actions privées intentées par des groupes à vocation environnementale. Les entreprises doivent s’attendre à ce que les déclarations environnementales continuent de faire l’objet d’une attention particulière et de mesures d’application de la loi. Dans une perspective d’atténuation des risques, les émetteurs devraient examiner de près toutes leurs déclarations environnementales, éviter les affirmations vagues ou trop générales et prioriser plutôt les déclarations claires et précises qui sont bien appuyées par des faits. Pour un résumé détaillé des modifications apportées à la Loi sur la concurrence en 2024, veuillez consulter notre article intitulé Composer avec la nouvelle norme : Entrée en vigueur de nouvelles modifications à la Loi sur la concurrence du Canada. MISES EN GARDE DES ACVM CONTRE L’ÉCOBLANCHIMENT Les préoccupations actuelles des ACVM à l’égard de l’information dont le caractère promotionnel est exagéré ne se limitent pas aux questions relatives à l’IA (voir la rubrique Gestion des technologies d’IA ci-dessus). Dans l’Avis du personnel 51-365, les ACVM ont également soulevé des préoccupations au sujet des émetteurs qui ont formulé des déclarations environnementales et écologiques partiales ou embellissant la vérité afin de susciter un engouement pour leurs titres. Elles ont par ailleurs observé une augmentation des déclarations trompeuses, non fondées ou incomplètes au sujet des activités commerciales ou de la durabilité d’un produit ou d’un service offert, pratique qu’elles assimilent à l’écoblanchiment. Les ACVM ont de plus indiqué que les déclarations environnementales axées sur des mesures à venir, comme les plans visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, peuvent constituer de l’information prospective (voir ci-dessus). Les émetteurs doivent s’assurer que l’information communiquée relativement à l’environnement est précise, factuelle, impartiale et, le cas échéant, qu’elle est conforme aux exigences relatives aux déclarations prospectives, l’information prospective devant notamment être fondée sur des éléments raisonnables. Propositions d’actionnaires ASSEMBLÉES D’ACTIONNAIRES ENTIÈREMENT VIRTUELLES En 2024, l’organisation d’assemblées d’actionnaires entièrement virtuelles a été fortement contestée. Ces dernières années, les autorités en valeurs mobilières, les agences de conseil en vote et les organismes de défense des droits des actionnaires ont fait connaître leurs préoccupations au sujet du recours aux assemblées entièrement virtuelles qui limitent la démocratie actionnariale, soit en raison de difficultés technologiques qui entraînent des problèmes d’accessibilité, soit parce que le format en ligne peut servir à limiter la participation des actionnaires à l’assemblée. Dans sa politique intitulée CCGG Virtual Shareholder Meeting (VSM) Policy, publiée (en anglais) en janvier 2024, la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance indique qu’elle « [traduction] constate que [lors des assemblées virtuelles] la technologie est utilisée pour limiter la prise de parole des actionnaires et a des répercussions néfastes sur la capacité des actionnaires à exercer leurs droits et à s’adresser directement aux membres du conseil d’administration ». Les ACVM ont publié l’an dernier des indications actualisées sur la tenue d’assemblées d’actionnaires virtuelles, soulignant qu’« il importe que les émetteurs assujettis présentent dans leurs circulaires de sollicitation de procurations et documents reliés aux procurations connexes de l’information claire et exhaustive sur la logistique d’accès, de participation et de vote aux assemblées virtuelles ». Les ACVM invitent également les émetteurs à « assurer une participation aux assemblées virtuelles qui soit d’une facilité, d’une qualité et d’un niveau comparables à ceux auxquels pourraient s’attendre les actionnaires si elles avaient lieu en personne ». Dans ce contexte de surveillance étroite, bon nombre des propositions présentées en 2024 au sujet du rétablissement des assemblées en personne (y compris par participation hybride en ligne et en personne) ont obtenu un appui ferme des actionnaires, dont celui de grandes sociétés canadiennes de gestion d’actifs. Nous prévoyons que certains émetteurs continueront néanmoins à recourir aux assemblées d’actionnaires entièrement virtuelles étant donné les nombreux avantages que celles-ci présentent sur le plan des coûts, de l’aspect pratique et de la sécurité et, lorsqu’elles sont menées correctement, la possibilité pour les actionnaires de participer en plus grand nombre. Les émetteurs qui adoptent le format hybride ou entièrement virtuel doivent suivre les indications des ACVM et tenir compte des préoccupations des intervenants qui militent pour une saine gouvernance. Les émetteurs devraient plus particulièrement faciliter la participation aux assemblées d’actionnaires virtuelles en expliquant en langage simple la manière dont les actionnaires inscrits et les actionnaires véritables peuvent participer à l’assemblée, en simplifiant la procédure d’inscription et d’authentification, en adoptant une plateforme technologique efficace pour le volet virtuel de l’assemblée, en veillant à ce que le président de l’assemblée et les autres personnes qui dirigent l’assemblée connaissent bien la technologie et, peut-être d’abord et avant tout, en s’assurant que la plateforme virtuelle favorise la participation optimale des actionnaires. La plateforme d’assemblée virtuelle devrait permettre aux actionnaires de présenter des motions, de soulever des objections, de poser des questions et de dialoguer avec les membres de la direction. Nous prévoyons que le mouvement d’opposition aux assemblées entièrement virtuelles et aux plateformes qui restreignent la participation se poursuivra en 2025, plus particulièrement lorsque de tels mécanismes sont adoptés par de grands émetteurs inscrits à la TSX qui ne mettent pas en place la technologie adéquate et les procédures nécessaires pour assurer la pleine participation des actionnaires. 13 Rapport sur la gouvernance 2025 12 Davies | dwpv.com
Rapport sur la gouvernance 2025 Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs PROPOSITIONS D’ACTIONNAIRES LIÉES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES Parmi les propositions liées aux changements climatiques qui ont été présentées pendant la période de sollicitation de procurations de 2024 figuraient des propositions de vote consultatif sur les changements climatiques, des propositions demandant plus d’information sur les émissions de gaz à effet de serre (surtout en ce qui concerne les émissions du champ d’application 3), ainsi que des propositions demandant que soit communiquée de l’information détaillée sur les plans de transition énergétique et de décarbonation. Les émetteurs ciblés étaient les banques, d’autres institutions financières et les sociétés du secteur de l’énergie. Il s’agit ici de la tendance la plus difficile à prévoir pour 2025. D’une part, aux États-Unis, l’opposition politique contre le capitalisme dit « woke » est considérable, et les gestionnaires d’actifs ont réagi en retirant leur appui aux propositions d’actionnaires liées aux changements climatiques et aux facteurs ESG. Cette opposition a déteint sur le marché canadien, comme le démontre le retrait récent de la dernière banque canadienne de l’alliance bancaire Net Zéro, après que ses homologues américaines en sont sorties. D’autre part, des catastrophes naturelles très médiatisées, comme les feux de forêt de Jasper et ceux, plus récents, de Los Angeles, rendent flagrant le fait que les catastrophes liées aux changements climatiques ne sont pas près de disparaître, et les émetteurs doivent tenir compte des changements climatiques dans le cadre de leur programme global de gestion des risques. Nous prévoyons que, comme en 2024, les propositions d’actionnaires visant à lutter contre les changements climatiques n’obtiendront, en 2025, qu’un appui limité de la part des actionnaires. Toutefois, nous nous attendons à ce que les émetteurs saisis de propositions sensées et bien formulées liées aux changements climatiques entament, si les circonstances s’y prêtent, un dialogue constructif avec les proposants et à ce que les propositions soient retirées dans certains cas. Les indications sur l’obligation de présenter de l’information sur les questions climatiques, qui permettront aux émetteurs de s’appuyer sur des normes d’information précises conformes aux attentes des parties prenantes, pointent effectivement dans cette direction. PROPOSITIONS D’ACTIONNAIRES ANTI-ESG La tendance des propositions anti-ESG, qui visent à s’opposer à la prise en compte des facteurs ESG, d’abord négligeable, a pris de l’ampleur au Canada pendant la période de sollicitation de procurations de 2024, reflet d’un rejet émergent des facteurs ESG et plus particulièrement des initiatives des sociétés en matière de diversité et d’inclusion. Quelques propositions de ce type ont été présentées au Canada, dont certaines demandant de l’information détaillée sur les coûts et la faisabilité des initiatives de décarbonation et d’autres demandant la suppression de programmes de diversité et d’inclusion. Ces propositions ont été très peu appuyées par les actionnaires, ce qui laisse croire que, pour le moment du moins, le marché canadien est beaucoup moins réceptif aux propositions anti-ESG que ne l’est le marché américain. Même si le fondement réglementaire et politique demeure solide pour les initiatives ESG des sociétés au Canada, les émetteurs doivent, pour éviter la polarisation et le mécontentement, veiller à communiquer clairement aux actionnaires et aux autres parties prenantes la valeur des politiques ESG et les avantages à en tirer, notamment en fournissant de l’information transparente et exhaustive sur les avantages qu’offrent leurs politiques ESG, notamment des avantages financiers et l’atténuation des risques. La diversité au sein des sociétés ouvertes du Canada Lorsque les ACVM ont publié les résultats de leur premier examen de la représentation féminine aux conseils d’administration et dans la haute direction, 51 % des sociétés inscrites à la TSX ne comptaient aucune administratrice. Seuls 10 % des sociétés sondées dans le plus récent rapport des ACVM n’ont pas d’administratrice. Dans leur premier rapport, les ACVM indiquaient que seulement 8 % des émetteurs assujettis canadiens comptaient au moins trois femmes au sein de leur conseil, tandis que selon le rapport de la 10e année, 42 % des sociétés comptent au moins trois administratrices. Il est indiqué dans le rapport de la 10e année qu’environ 29 % des postes aux conseils d’administration de toutes les sociétés inscrites à la TSX étaient occupés par des femmes en 2024. Le rapport de la 10e année des ACVM porte peu d’attention à la représentation des femmes aux postes de haute direction des sociétés ouvertes canadiennes, qui est bien en deçà des progrès réalisés dans les conseils d’administration canadiens. Selon le rapport, seulement 7 % des sociétés ouvertes canadiennes ont établi des cibles de nomination de femmes aux postes de haute direction. Les conclusions des ACVM indiquent que 44 % des sociétés minières inscrites à la TSX ne comptent toujours pas de femmes dans leur haute direction, le secteur n’ayant progressé que de 4 % sur le plan de la participation des femmes à la haute direction depuis la publication du premier rapport des ACVM il y a 10 ans. Malheureusement, le rapport de la 10e année des ACVM ne fournit pas de mise à jour sur l’état d’avancement du projet de modification de l’annexe 58-101A1, Information concernant la gouvernance du Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance et du projet de modification de l’Instruction générale 58-201 relative à la gouvernance, qui ont été publiés aux fins de consultation le 13 avril 2023 et que nous avons analysés plus avant dans un article antérieur du Rapport sur la gouvernance. Le projet de modification de l’annexe 58-101A1 languit pendant que les ACVM tentent de rapprocher la myriade de commentaires reçus sur les deux propositions présentées. Nous espérons que les ACVM publieront cette année un projet de règlement définitif indiquant si elles adopteront une approche prescriptive de l’information sur la diversité à fournir à l’égard des groupes désignés, à l’instar du régime intégré à la LCSA, ou l’approche moins prescriptive de l’information sur la diversité adoptée par la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest. La conclusion attendue des délibérations des ACVM sur l’intégration d’autres aspects de la diversité au régime d’information continue du Canada a pris une importance accrue depuis l’abandon très public par certaines sociétés ouvertes américaines de leurs initiatives de diversité et d’inclusion dans le sillage de la réélection de Donald Trump. Nous surveillerons la situation pour savoir si l’opposition aux mesures de diversité et d’inclusion aux États-Unis aura une influence ou entraînera des réactions au Canada. Une déclaration claire et une législation définitive des ACVM précisant les contours d’un nouveau régime d’information sur la diversité pourraient contribuer grandement à freiner l’élan de tout mouvement embryonnaire contre la diversité et l’inclusion au Canada. En l’absence de mesures législatives de la part des ACVM, les agences de conseil en vote Institutional Shareholder Services et Glass Lewis, ainsi que les investisseurs institutionnels du Canada, continueront probablement de promouvoir et de faire exercer les droits de vote de manière à inciter les sociétés ouvertes canadiennes à faire progresser la représentation des femmes et d’autres groupes au sein des conseils et des équipes de haute direction. 15 Rapport sur la gouvernance 2025 14 Davies | dwpv.com
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