Bulletin

Les tribunaux fédéraux se prononcent sur le formulaire FBAR : soulagement pour les contribuables précédemment exposés à des pénalités exorbitantes

Auteurs : Zachary C. Kling, Jennifer Lee, Peter Glicklich et Michael H. Lubetsky

Dans le présent bulletin, nous examinons deux affaires dont ont été saisis récemment les tribunaux fédéraux américains et dans lesquelles des contribuables américains ont remporté des victoires importantes contre les États-Unis en ce qui concerne leur obligation de déclarer les comptes détenus à l’extérieur des États-Unis sur le formulaire 114 du Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), intitulé Report of Foreign Bank and Financial Accounts, communément appelé le « formulaire FBAR ». Le contribuable américain qui est un particulier doit produire un formulaire FBAR pour chaque année civile au cours de laquelle il a un intérêt financier dans des comptes financiers étrangers dont la valeur totalise plus de 10 000 $ à quelque moment que ce soit au cours de l’année ou est un signataire autorisé à l’égard de tels comptes. Dans l’affaire Bittner v. United States, la Cour suprême des États-Unis (la « Cour suprême des É.-U. ») s’est penchée sur la question de savoir dans quelle mesure l’IRS pouvait imposer des pénalités en cas de manquement à l’obligation de produire en temps utile des formulaires FBAR complets et exacts. Dans l’affaire Aroeste v. United States, la Cour de district des États-Unis pour le district sud de la Californie a rendu une décision interprétant une disposition relativement nouvelle de l’Internal Revenue Code des États-Unis (le « Code ») qui, selon l’interprétation du tribunal, permet à certains étrangers résidents de ne pas produire de formulaire FBAR pour les années pour lesquelles ils peuvent bénéficier d’avantages accordés par une convention. Nous examinons ci-dessous chacune de ces décisions importantes.

Bittner v. United States

Dans l’affaire Bittner v. United States, la Cour suprême des É.-U. a tranché la question de savoir quelle était la méthode à privilégier pour calculer les pénalités de responsabilité stricte en cas de manquement à l’obligation d’inclure en temps utile au formulaire FBAR les comptes à déclarer. L’affaire Bittner portait plus particulièrement sur la question de savoir si la pénalité de 10 000 $ imposée en cas de manquement non délibéré à l’obligation de déclarer des comptes sur un formulaire FBAR en temps utile s’appliquait à l’égard de chacun des formulaires ou de chacun des comptes. La différence pouvait être énorme, comme l’a découvert le demandeur dans cette affaire, Alexandru Bittner. M. Bittner, résident à la fois des États-Unis et de la Roumanie et homme d’affaires prospère, avait l’obligation de déclarer des intérêts dans 61 comptes détenus en Roumanie à l’époque où il vivait et travaillait dans ce pays jusqu’à son retour aux États-Unis. Il n’y avait dans cette affaire aucune allégation de manquement délibéré (ce qui aurait entraîné différentes pénalités beaucoup plus lourdes). En fait, à son retour aux États-Unis, il a consulté des comptables afin de mettre à jour ses déclarations de revenus américaines, ce qu’il n’avait pas fait lorsqu’il vivait à l’étranger. Dans le cadre de ses efforts en vue de se conformer à ses obligations, M. Bittner a déposé des formulaires FBAR pour chacune des années 2007 à 2011, mais l’IRS les a jugés incomplets parce qu’ils ne mentionnaient pas tous les comptes. M. Bittner a déposé des formulaires FBAR corrigés faisant état de tous ses comptes pour chacune des années 2007 à 2011 et s’est vu imposer, malgré ses efforts, des pénalités de responsabilité stricte totalisant 2,72 millions de dollars (10 000 $ pour chacun des 272 manquements à l’obligation de déclarer un compte étranger en temps utile).

Les cours de circuit américaines qui se sont prononcées sur cette question étaient divisées sur la manière dont les pénalités pour non-production d’un formulaire FBAR complet et exact devaient être calculées. La cour du neuvième circuit avait approuvé l’approche « par formulaire », ce qui aurait entraîné l’imposition d’une pénalité globale de 50 000 $ dans le cas de M. Bittner. En revanche, la cour du cinquième circuit, saisie de l’appel de M. Bittner, avait approuvé l’approche « par compte » adoptée par l’IRS, qui avait imposé des pénalités totalisant 2,72 millions de dollars.

Décision de la Cour suprême des É.-U.

Dans une décision à cinq juges contre quatre, caractérisée par des alliances inhabituelles entre les juges, la Cour suprême des É.-U. a approuvé l’approche par formulaire adoptée par la cour du neuvième circuit. L’opinion de la majorité a été rédigée par le juge Gorsuch et a été rejointe en totalité par le juge Jackson et en partie par les juges Roberts, Alito et Kavanaugh. Les juges majoritaires ont fondé leur analyse sur le libellé de la disposition relative aux pénalités en cause, qui diffère de celui de la disposition de la loi qui prévoit clairement l’imposition de pénalités pour chacun des comptes en cas de manquement délibéré à l’obligation de les déclarer. Pour étayer leur interprétation de la loi, les juges majoritaires ont également mis en évidence les publications de l’IRS dans lesquelles celui-ci a laissé entendre à plusieurs reprises que les pénalités pour non-production de formulaires FBAR complets et exacts ne dépassaient pas 10 000 $ par formulaire. En outre, la Cour suprême des É.-U. a fait preuve de bon sens dans son analyse en examinant les incongruités qui résulteraient de l’adoption de la position du gouvernement dans certaines circonstances :

[TRADUCTION] Prenons le cas d’une personne qui possède un solde de 10 millions de dollars dans un seul compte et qui, sans le vouloir, omet de le déclarer. Tous s’accordent à dire qu’elle est passible d’une seule pénalité de 10 000 $. Pourtant, selon la théorie du gouvernement, une autre personne qui, toujours sans le vouloir, omet de déclarer une douzaine de comptes étrangers affichant un solde total de 10 001 $ se verrait imposer une pénalité de 120 000 $.

Selon la position du gouvernement, les personnes qui enfreignent délibérément la loi peuvent encourir des pénalités moindres que celles que peuvent encourir les personnes qui l’enfreignent sans le vouloir. Par exemple, le particulier qui détient un million de dollars dans un compte étranger au cours d’une année, les retire avant la date limite de production du formulaire, puis omet délibérément de produire un formulaire FBAR encourt une pénalité maximale de 100 000 $. En revanche, la personne qui commet une erreur non délibérée dans la déclaration de 20 comptes dont le solde totalise 50 000 $ peut se voir infliger une pénalité pouvant atteindre 200 000 $. Si on lit la loi en comprenant que les manquements non délibérés sont pénalisés par formulaire, ces incongruités ne se présentent pas; en suivant l’interprétation du gouvernement, c’est-à-dire l’approche par compte, elles deviennent toutes possibles [citations omises].

Une partie de l’opinion majoritaire a également invoqué le principe selon lequel les lois imposant des pénalités doivent être interprétées de manière stricte, toute ambiguïté étant résolue au détriment du gouvernement et en faveur des particuliers. Toutefois, seuls les juges Gorsuch et Jackson se sont joints à cette partie de l’opinion majoritaire, ce qui indique que les autres membres de la majorité considéraient que la loi était claire à première vue et qu’ils étaient satisfaits de l’interprétation de la loi ou, peut-être, qu’ils n’étaient pas disposés à soutenir un tel principe dans le contexte d’une affaire de pénalité fiscale.

Un groupe plutôt improbable de quatre juges, mené par le juge Barrett, rejoint par les juges Thomas, Sotomayor et Kagan, a exprimé son désaccord avec l’analyse des juges majoritaires et a présenté un avis dissident. Dans son avis dissident, le juge Barrett fait remarquer que la loi exige des citoyens et résidents américains qu’ils produisent des « rapports » sur chacun de leurs comptes bancaires étrangers de la manière prescrite par le Secrétaire et permet également à ce dernier d’imposer une pénalité de 10 000 $ en cas de manquement à l’obligation de produire un rapport. Selon l’interprétation que les juges dissidents font des dispositions législatives en cause, le formulaire FBAR n’est pas un « rapport » (report) unique, mais plutôt un « formulaire » (form) qui peut comprendre plusieurs rapports. Heureusement pour M. Bittner, cette analyse n’a pas prévalu.

Cette décision procure certainement un grand soulagement à M. Bittner, mais c’est aussi une grande victoire pour les contribuables américains qui ont des liens financiers avec d’autres pays. La plupart des contribuables font de leur mieux pour se conformer à leurs obligations de produire des formulaires FBAR, mais ils ne peuvent le faire que s’ils sont conscients de l’obligation de les produire. En outre, même si une personne est consciente d’une telle obligation, elle ne dispose pas toujours de toute l’information nécessaire pour déclarer chaque compte en temps utile, soit parce qu’elle a hérité du compte sans le savoir, soit parce qu’elle a été signataire de comptes dont elle n’avait pas connaissance, ces deux situations n’étant pas si rares. L’approche de la Cour constitue une limite bienvenue au pouvoir du gouvernement de pénaliser les contribuables pour de tels manquements non délibérés. Si une pénalité de 10 000 $ demeure considérable, elle est bien moindre que les pénalités draconiennes, pouvant atteindre de nombreux multiples de 10 000 $, que les contribuables encouraient auparavant pour avoir omis, sans le vouloir, de déclarer des comptes étrangers en temps utile sur un formulaire FBAR.

Aroeste v. United States

L’affaire Aroeste v. United States soulevait la question de savoir si le fait d’être résident aux termes d’une convention fiscale a une incidence sur l’obligation de produire un formulaire FBAR pour la personne qui est par ailleurs une personne des États-Unis (U.S. person) aux fins de l’impôt fédéral. Seules les personnes des États-Unis (c’est-à-dire les citoyens et les résidents américains) sont tenues de produire un formulaire FBAR, une obligation prévue par la loi des États-Unis intitulée Bank Secrecy Act (la « BSA ») et codifiée séparément de la législation fiscale. Toutefois, dans le règlement pris en application de la BSA, le terme « résident des États-Unis » (resident of the United States) est défini au moyen d’un renvoi au paragraphe 7701(b) du Code et au règlement pris en application de celui-ci, où l’on trouve la définition du terme « étranger résident » (resident alien). Selon le paragraphe 7701(b), « étranger résident » désigne un résident permanent régulier (lawful permanent resident) des États-Unis (plus communément appelé « détenteur d’une carte verte » (green card holder)). L’alinéa 7701(b)(6) prévoit toutefois qu’une personne ne sera pas considérée comme un résident permanent (et donc comme un étranger résident), si, relativement à toute année au cours de laquelle la personne [TRADUCTION] « commence à être traitée comme un résident d’un pays étranger en vertu des dispositions d’une convention fiscale intervenue entre les États-Unis et le pays étranger, le particulier ne renonce pas aux avantages de la convention applicables aux résidents du pays étranger, et le particulier avise le Secrétaire du début de ce traitement ». L’objectif de cette disposition du Code était de faire en sorte que l’impôt de départ américain s’applique aux détenteurs d’une carte verte de longue durée qui revendiquent les avantages conférés par la convention fiscale. Cette affaire est la première dans laquelle un tribunal se prononce sur l’application de cette disposition aux étrangers ayant le statut de personne des États-Unis et ayant l’obligation de produire un formulaire FBAR.

Les États-Unis ont fait valoir que la simplicité du libellé de l’alinéa 7701(b)(6) ne devait pas être prise en compte aux fins de l’imposition de pénalités pour non-production d’un formulaire FBAR complet et exact. Le gouvernement a fait valoir que [TRADUCTION] « le statut de M. Aroeste aux termes de la convention n’était pas pertinent, car la convention ne concerne que la résidence aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’accise conformément au Titre 26 du Code des États-Unis, alors que les pénalités pour non-production d’un formulaire FBAR complet et exact sont calculées conformément au Titre 31 ». Toutefois, M. Aroeste a affirmé que [TRADUCTION] « s’il était traité comme un résident mexicain en vertu de la convention, cela l’empêcherait d’être considéré comme une “personne des États-Unis” conformément aux règlements relatifs au formulaire FBAR », parce que conformément à l’alinéa 7701(b)(6), il ne serait pas un étranger résident aux termes du Code et donc des règlements relatifs au formulaire FBAR.

La Cour de district n’a pas conclu que M. Aroeste n’était pas tenu de produire un formulaire FBAR au cours d’une année donnée. Sa décision s’est limitée à la conclusion que M. Aroeste ne serait pas un résident permanent régulier ou un étranger résident au sens du paragraphe 7701(b) s’il était considéré comme un résident du Mexique aux termes de la convention (et remplissait les autres conditions prévues à l’alinéa 7701(b)(6)) au cours d’une année donnée, et que, par conséquent, il n’aurait pas été tenu de produire des formulaires FBAR pour ces années-là. Plus précisément, la Cour a estimé que [TRADUCTION] « la résidence fiscale de M. Aroeste aux termes de la convention est directement liée à la question de savoir s’il était tenu de produire les formulaires FBAR en question – et est même déterminante à cet égard ».

Bien que les États-Unis puissent encore faire appel de la décision et finalement obtenir gain de cause, l’analyse du tribunal dans l’affaire Aroeste est convaincante et semble résulter d’une lecture simple des lois et règlements pertinents. Ainsi, bien que, pour les contribuables concernés, l’issue de l’affaire soit prometteuse et qu’elle leur permette de demander un allègement de leur obligation de produire des formulaires FBAR, les contribuables doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils invoquent cette affaire pour s’abstenir de produire leurs formulaires FBAR, car d’autres districts pourraient approuver l’interprétation du gouvernement. En outre, selon le règlement pris en application du paragraphe 7701(b), la personne qui revendique la résidence aux fins d’une convention fiscale peut être considérée comme un étranger non résident uniquement aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu américain (c.-à-d. pas en ce qui concerne les autres obligations d’information prévues par le Code). Les détenteurs d’une carte verte qui revendiquent une résidence autre que la résidence américaine aux fins d’une convention fiscale devraient consulter leurs conseillers pour déterminer l’applicabilité de la décision rendue dans l’affaire Aroeste à leur situation particulière.

Conclusion

Bien que ces affaires procurent un soulagement bienvenu, les contribuables américains ayant des liens internationaux ont encore bien des obligations à remplir, qui, en cas de manquement, les exposent à des pénalités considérables. Les contribuables qui manquent à leur obligation de produire des formulaires FBAR complets et exacts en temps utile s’exposent toujours à une pénalité de 10 000 $. En outre, les contribuables ayant une double résidence qui, aux fins d’une convention fiscale, revendiquent une résidence dans un pays étranger, peuvent encore avoir l’obligation de produire d’autres déclarations de renseignements internationaux, notamment sur formulaire 5471, intitulé Information Return of U.S. Persons With Respect to Certain Foreign Corporations, et s’exposer à une pénalité de 10 000 $ s’ils ne produisent pas en temps utile des rapports exacts auprès de l’IRS. En conséquence, les contribuables devraient continuer (ou commencer) à travailler avec leurs conseillers pour se conformer à leurs obligations en matière de communication de renseignements internationaux à déclarer aux États-Unis, sous peine de se voir infliger des pénalités considérables.

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