La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a récemment approuvé un accord de règlement avec eToro (Europe) Limited (« eToro »), firme de courtage chypriote exploitant une plateforme en ligne d’opérations sur titres et sur cryptomonnaies, à laquelle ont été imposées des sanctions pécuniaires de plus de 2,8 millions de dollars canadiens pour violation des obligations d’inscription et de prospectus prévues par la législation en valeurs mobilières de l’Ontario. eToro a admis avoir exploité des comptes de négociation pour des résidents de l’Ontario dans lesquels des contrats de couverture des fluctuations (les « CCF ») avaient été négociés et offerts, alors qu’elle-même n’était pas inscrite en vertu de la loi à cette fin et en l’absence d’un prospectus visé à l’égard des CCF ou d’une dispense des exigences d’établir un prospectus. La CVMO avait antérieurement confirmé que les CCF constituent des « contrats d’investissement » et des « valeurs mobilières » pour l’application de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario1.
Entre 2008 et 2017, près de 2 500 comptes ont été exploités pour des résidents de l’Ontario sur la plateforme de eToro, ce qui a permis à des investisseurs de cette province de négocier des CCF basés sur les fluctuations d’actifs sous-jacents, dont des cryptomonnaies et des actions. Depuis 2010, la CVMO avait maintes fois exprimé des préoccupations au sujet des comptes ontariens, mais avait reçu de eToro l’assurance que les membres de son personnel savaient qu’ils ne pouvaient accepter des opérations visant des CCF d’investisseurs de l’Ontario. eToro n’avait cependant pas cru bon d’établir, en réponse aux préoccupations de la CVMO, des politiques écrites ou des contrôles adéquats qui auraient empêché les résidents de l’Ontario d’ouvrir des comptes sur sa plateforme, comptes qui ont généré des revenus totalisant 1 791 163 dollars américains entre 2008 et 2017.
Dans le règlement intervenu avec la CVMO, eToro s’est engagée à remettre le total des revenus qu’elle a tirés des comptes ouverts par des résidents de l’Ontario, à payer une sanction administrative de 550 000 dollars canadiens et à couvrir les frais de l’enquête de la CVMO à hauteur de 25 000 dollars canadiens. Dans ses motifs au soutien de l’approbation du règlement, la CVMO a beaucoup insisté sur les violations répétées de eToro et sur les fausses assurances que celle-ci avait données au personnel de la CVMO quant aux mesures de vérification mises en place, facteurs aggravants qui ont probablement pesé assez lourd dans la sanction finalement imposée à eToro.
Le règlement semble annoncer l’intention de la CVMO de sévir plus énergiquement contre les plateformes de négociation et les bourses extraterritoriales qui offrent des titres à des résidents de l’Ontario sans respecter les obligations d’inscription et de prospectus en vigueur dans la province. C’est le cas notamment des plateformes offrant des jetons fondés sur la chaîne de blocs et les cryptomonnaies qui constituent des « contrats d’investissement » et des « titres » pour les fins d’application de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario. La CVMO a souligné cette question dans ses motifs oraux au soutien de l’approbation de l’accord de règlement. Selon elle, les plateformes et les bourses de cryptomonnaies extraterritoriales qui ne se conforment pas à la législation en valeurs mobilières de l’Ontario doivent prendre acte de cette décision et ne pas se surprendre de voir la non-conformité sanctionnée plus sévèrement à l’avenir2.
L’accord de règlement impose également à eToro l’obligation de renforcer plusieurs de ses procédures et contrôles afin d’empêcher les résidents de l’Ontario d’ouvrir des comptes sur sa plateforme. Ces procédures illustrent bien le genre de mesures que la CVMO s’attend à ce que les plateformes extraterritoriales non inscrites adoptent pour démontrer qu’elles sont dotées de contrôles adéquats permettant d’exclure les résidents ontariens. Outre la fermeture de tous les comptes appartenant à des résidents de l’Ontario, eToro s’est engagée à faire ce qui suit :
- interdire l’accès à son site Web aux adresses IP du Canada
- réviser sa procédure de demande d’ouverture de compte en ligne
- informer son service de vérification des données clients que les résidents du Canada ne sont pas autorisés à ouvrir des comptes
- adopter une politique écrite interdisant l’acceptation de clients provenant du Canada
- rejeter automatiquement les demandes d’ouverture de compte comportant des numéros de téléphone émanant du Canada ou des adresses utilisant le domaine de courrier électronique « .ca »
- pousser les vérifications lorsqu’un dépôt est fait au moyen d’une carte de crédit émise au Canada ou d’un télévirement provenant d’une institution financière canadienne de manière à s’assurer que le titulaire du compte réside bien à l’extérieur du Canada.
Un certain nombre de plateformes et de bourses de cryptomonnaies extraterritoriales auraient commencé à ouvrir des comptes créés par des investisseurs du Canada, à la condition que ceux-ci approvisionnent leurs comptes avec des cryptomonnaies plutôt qu’avec des fonds tirés sur une carte de crédit émise au Canada ou un télévirement provenant d’une institution financière canadienne. Dans ses motifs oraux au soutien de l’approbation du règlement, la CVMO ne s’est pas prononcée sur la légalité ou l’illégalité de cette façon de faire au regard de la législation en valeurs mobilières; toutefois, il semble peu probable que l’obligation faite aux résidents canadiens d’approvisionner leurs comptes avec des cryptomonnaies plutôt qu’avec des fonds de provenance canadienne suffise à soustraire ces plateformes à l’application de la législation canadienne en valeurs mobilières.
La CVMO a rappelé qu’il est normal de s’attendre à ce que les firmes de courtage qui exercent des activités dans plusieurs territoires soient dotées de systèmes de conformité fiables assurant la légitimité des opérations qu’elles exécutent avec leurs clients. Sa décision rappelle avec force que les bourses et les plateformes de négociation extraterritoriales doivent d’emblée s’inscrire auprès de la CVMO ou chercher à obtenir une dispense d’application de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario leur permettant d’offrir des titres aux investisseurs de cette province. À l’avenir, lorsqu’une plateforme lui soumettra une demande d’inscription, la CVMO examinera son comportement antérieur et ses éventuelles infractions à la législation en valeurs mobilières de l’Ontario avant de décider si elle agrée ou non à la demande et si elle doit l’assortir de conditions.
1 CVMO Staff Notice 91-702 - Offerings of Contracts for Difference and Foreign Exchange Contracts to Investors in Ontario (en anglais).
2 eToro (Europe) Limited, 2018 ONSEC 49 au para 24 (en anglais).