Le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence du Canada ont tous deux publié un avis public décrivant l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur leurs activités respectives. Le Bureau reste ouvert, son personnel travaillant à distance dans la mesure du possible, mais reconnaît que des retards peuvent avoir lieu et qu’il pourrait ne pas être en mesure de respecter ses normes de service pour l’achèvement de l’examen de fusions devant faire l’objet d’un avis. De plus, le Bureau a signalé qu’il devra peut-être donner la priorité aux questions urgentes liées à la concurrence sur le marché plutôt qu’aux dossiers en cours en matière d’application de la loi. Ces questions urgentes pourraient inclure les allégations fausses et trompeuses sur la capacité d’un produit à prévenir, à traiter ou à guérir la COVID-19 et les cas de collusion entre concurrents comme les accords sur les prix de produits ou de services. Le Tribunal, pour sa part, a annoncé la suspension temporaire des audiences en personne, mais dispose des outils nécessaires pour entendre les questions urgentes par téléconférence. Ils se sont tous deux engagés à publier de nouvelles informations et directives au fur et à mesure que la situation évoluera.
Nous résumons ci-dessous les principaux éléments des avis du Bureau et du Tribunal, tous deux publiés le 18 mars 2020. Nous examinons également la déclaration qu’a publiée le Bureau le 20 mars 2020 concernant les domaines dans lesquels il compte être particulièrement vigilant pour ce qui est de l’application de la loi durant la situation causée par la COVID-19.
Bureau de la concurrence
Examen des fusions
Le Bureau reconnaît, notamment, qu’il pourrait avoir du mal à respecter ses normes de service publiées à l’égard de l’examen des fusions devant être l’objet d’un avis pour diverses raisons, dont le fait qu’il pourrait devenir impossible pour le personnel du Bureau d’établir des contacts avec les intervenants des marchés en temps opportun et que les parties pourraient rencontrer des difficultés dans la préparation et la production des documents et des renseignements demandés par le Bureau. Les parties à des fusions complexes sont invitées à communiquer dès que possible avec les équipes assignées à leurs dossiers et les gestionnaires de la Direction des fusions et tout au long de l’examen du dossier. Lorsque le Bureau ne pourra pas respecter ses normes de service, il tentera de communiquer aux parties « des échéanciers réalistes en fonction des conditions en vigueur à ce moment ».
Malgré la possibilité de retards dans l’examen des fusions, les périodes d’attente prévues par la loi pour ce qui est des fusions devant être l’objet d’un avis au Canada sont inchangées et le Bureau n’a pas pour le moment annoncé de modifications majeures concernant ses processus d’examen, dont les dépôts. Le Bureau a plutôt souligné qu’il établira des priorités pour maximiser ses ressources et respecter ses normes de service dans la mesure du possible. Cette approche du Bureau tranche avec celle de certains autres organismes antitrust qui, étant donné la pandémie de COVID-19, demandent aux parties de reporter les dépôts pour les fusions non essentielles ou envisagent de demander aux parties dont l’examen est en cours d’accepter de prolonger les échéances convenues afin que les examens puissent être achevés avant la conclusion de leur opération. Il est possible que le Bureau publie des directives supplémentaires et annonce des mesures semblables à celles des autorités antitrust étrangères au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie. Il serait prudent que les parties aux fusions se préparent en amont à l’éventualité d’un retard dans l’examen de leur fusion et, si possible, en réduisent le risque, par exemple en communiquant rapidement avec le Bureau et en veillant à ce que leurs experts en affaires et en droit soient prêts à répondre aux questions du Bureau et à transmettre les documents demandés à distance au besoin. De plus, les parties peuvent envisager de fournir les coordonnées (les adresses électroniques et les numéros de téléphone cellulaire, par exemple) de tiers, tels que leurs clients et fournisseurs, afin d’aider le Bureau à établir, à distance et en temps opportun, des contacts avec les intervenants des marchés.
Autres questions concernant l’application de la loi
En ce qui concerne les autres enquêtes du Bureau, celui-ci reconnaît également dans son avis la possibilité de retards dans les enquêtes en matière pénale pouvant nécessiter des entretiens en personne avec des témoins dans le cadre de son programme d’immunité et de clémence, l’opérationnalisation des protocoles avocat-client, des réunions avec des plaignants et des plaidoyers ou d’autres négociations de règlement.
En outre, le Bureau signale qu’il devra peut-être prioriser les problèmes urgents du marché nécessitant une action immédiate pour protéger les Canadiens et que de telles priorisations pourraient avoir des répercussions sur sa capacité à traiter d’autres dossiers en cours. Le Bureau ne donne pas d’exemple de « problèmes urgents du marché », mais il est concevable que de tels problèmes puissent comprendre les allégations fausses ou trompeuses concernant la COVID-19, l’examen de fusions ou d’acquisitions visant des sociétés cibles connaissant de grandes difficultés financières ou l’évaluation de cas de collaboration urgente au sein d’un secteur d’activité, y compris entre concurrents, ayant pour but de régler des problèmes liés à la COVID-19. À cet égard, il importe de noter que les interdictions, prévues par la loi, d’accords entre concurrents portant sur les prix, l’attribution de clients ou de marchés et le contrôle de la production ou de la fourniture, ainsi que le truquage des offres, continuent de s’appliquer et doivent être prises en considération dans toute collaboration proposée, même si les intentions des parties sont légitimes.
En effet, dans sa déclaration subséquente, le Bureau a assuré qu’il « demeure vigilant à l’égard des comportements anticoncurrentiels et nuisibles des personnes qui chercheraient à exploiter ces circonstances exceptionnelles pour profiter des consommateurs et des entreprises » et a mentionné qu’il examinera particulièrement les pratiques commerciales trompeuses et la collusion opportuniste entre entreprises concurrentes liées à la COVID-19. Il importe également de noter, cependant, que le Bureau s’est dit « déterminé […] à appliquer les lois sur la concurrence du Canada d’une manière raisonnable et fondée sur des principes » et a déclaré que « les lois sur la concurrence du Canada autorisent la collaboration entre entreprises lorsqu’elle favorise la concurrence en vue de soutenir la fourniture de biens et services abordables pour répondre aux besoins des Canadiens ». Ces déclarations semblent révéler une certaine souplesse à l’égard de l’application de la loi de la part du Bureau; toutefois, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les collaborations entre concurrents, particulièrement en ce qui concerne les prix, l’attribution des marchés, ou la production ou la fourniture, peuvent soulever d’importantes questions en matière de droit de la concurrence et le Bureau a averti les entreprises qui envisagent de collaborer pour régler des problèmes liés à la COVID-19 qu’elles doivent s’assurer de le faire en conformité avec la loi.
Tribunal de la concurrence
Le Tribunal indique dans son avis qu’il reste ouvert, mais que ses bureaux sont fermés au public jusqu’à nouvel ordre. Les membres et les employés du Tribunal travaillent à distance et continueront à procurer des services aux parties et au public, selon les besoins. Le Tribunal n’autorisera pas pour l’instant le dépôt de documents sur support papier. Le système de dépôt électronique du Tribunal est pleinement fonctionnel et les parties doivent s’en servir pour déposer leurs documents par transmission électronique.
Le Tribunal annonce qu’il n’y aura aucune audience en personne d’ici le 17 avril 2020, mais qu’il continuera d’entendre les affaires urgentes par conférence téléphonique. Toutes les dates limites déjà fixées, ainsi que les audiences, y compris les audiences de requêtes, actuellement fixées après le 17 avril 2020, sont maintenues pour le moment.
Le Tribunal encourage fortement les avocats et les parties à travailler ensemble aux demandes de prorogation. Le Tribunal s’engage à faire preuve de souplesse pour aider les parties et le public à gérer la situation résultant de la pandémie de COVID-19.