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Douche froide sur le boom des chaînes de blocs : Le personnel des ACVM encadre les émissions de cryptomonnaies
Utilisateurs de cryptomonnaie, soyez avisés – Les lois sur les valeurs mobilières canadiennes pourraient s’appliquer, et les organismes de réglementation sont aux aguets.
Le 24 août 2017, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié un avis (l’« avis des ACVM ») dans lequel elles donnent de bonnes indications sur la manière dont les organismes de réglementation des valeurs mobilières perçoivent et réglementeront les émissions de cryptomonnaies, aussi appelées des premières émissions d’une cryptomonnaie ou d’un jeton (les « PEC ») (initial coin offerings ou ICO en anglais). L’avis des ACVM1, qui a été publié dans tous les territoires du Canada sauf en Saskatchewan, a été diffusé moins d’un mois après la publication par la Securities and Exchange Commission des États-Unis de son rapport d’enquête2 (disponible en anglais seulement) confirmant que les lois sur les valeurs mobilières américaines pourraient s’appliquer aux PEC. L’avis des ACVM vise à étoffer la mise en garde faite par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario3 (disponible en anglais seulement) dans le communiqué portant sur les PEC qu’elle a publié un peu plus tôt cette année. Voir nos observations sur le rapport de la SEC ici4.
L’avis des ACVM s’adresse aux entrepreneurs et aux entreprises de technologie financière (les fintechs) qui utilisent la technologie de la chaîne de blocs pour réunir des capitaux, qui facilitent les opérations en cryptomonnaies ou qui cherchent à établir des fonds d’investissement dans les cryptomonnaies. Les ACVM établissent un cadre permettant de comprendre l’interaction entre les lois sur les valeurs mobilières et les cryptomonnaies, et adoptent une attitude ferme en concluant que, « dans bien des cas », les cryptomonnaies et jetons « devraient dans les faits être considérés comme des titres ». Bien que l’avis des ACVM ne donne que peu d’indications sur les caractéristiques d’une cryptomonnaie ou d’un jeton qui ne sera pas considéré comme un titre, le cadre qu’elle fournit pourrait se révéler beaucoup plus utile pour aider certains technologues à comprendre le niveau de surveillance que les ACVM appliqueront à ces types d’émissions et ce qu’elles examineront. Les bourses de cryptomonnaies, les fonds d’investissement, les entrepreneurs et les conseillers devraient s’attendre à une surveillance accrue de la part des ACVM et à devoir se conformer à plus d’exigences dans le cadre de PEC éventuelles.
Est-ce que la législation en valeurs mobilières du Canada s’applique?
Selon les ACVM, la législation en valeurs mobilières du Canada s’applique aux PEC qui impliquent la vente de « titres » si la personne qui offre les titres exerce l’activité à partir du Canada ou s’il existe des investisseurs canadiens. Il est intéressant de noter que cette déclaration suggère que les PEC qui excluent la participation d’acquéreurs canadiens ou qui sont réalisées par des entreprises canadiennes constituées dans d’autres territoires, mais qui exercent des activités au Canada, seraient néanmoins assujetties à la législation en valeurs mobilières du Canada.
Les organismes de réglementation des valeurs mobilières canadiens évalueront si une PEC est assortie d’obligations en vertu de la législation en valeurs mobilières en se fondant sur les caractéristiques précises des PEC. Selon les ACVM, la question de savoir si une cryptomonnaie ou un jeton constitue un titre doit être fondée sur une interprétation tenant compte de la finalité de celui-ci et de la protection des investisseurs. Les entreprises qui évoluent dans cet univers doivent appliquer le critère à quatre volets bien établi suivant pour déterminer si un contrat d’investissement existe, à savoir l’investissement d’une somme d’argent dans une entreprise commune dans l’expectative d’un profit qui proviendra en grande partie des efforts d’autrui, critère qui a été énoncé pour la première fois dans l’affaire SEC v. W.J. Howey Co., puis qui a été adopté au Canada dans l’arrêt Pacific Coast Coin Exchange5.
L’avis des ACVM donne un exemple précis d’une PEC qui ne constituerait pas un placement de titres et qui, par conséquent, ne serait pas assujettie au respect de la législation en valeurs mobilières, soit le cas de cryptomonnaies ou de jetons permettant simplement de jouer à des jeux vidéo, et un exemple plus large d’une PEC qui obligerait les entreprises à respecter la législation en valeurs mobilières, soit les cryptomonnaies ou les jetons dont la valeur est liée au succès et aux profits futurs de l’entreprise. Toutefois, le personnel des ACVM ne fournit pas de critères précis à respecter à l’égard des PEC et d’autres utilisations de la technologie de la chaîne de blocs pour s’assurer qu’une cryptomonnaie ou un jeton en particulier ne sera pas assujetti à la législation en valeurs mobilières canadienne. De plus, l’avis des ACVM ne prévoit pas de règles refuges ni d’exonération pour une conduite en particulier ni n’élabore une approche pancanadienne en matière d’innovations permises. Le personnel des ACVM reconnaît le potentiel des cryptomonnaies et souhaite encourager l’innovation en offrant son aide aux entreprises de technologie financière qui utilisent la technologie des chaînes de blocs pour régler les problèmes liés à la réglementation dans un esprit de franche collaboration, notamment en leur permettant possiblement d’obtenir une dispense des exigences prévues par la législation en valeurs mobilières. Par conséquent, les ACVM se trouvent, de façon implicite, à informer les technologues que l’utilisation des cryptomonnaies requiert le concours d’une solide équipe de conseillers afin d’atténuer adéquatement les risques liés à la réglementation.
Obligations prévues par la législation en valeurs mobilières applicable
L’avis des ACVM fournit des indications générales aux entrepreneurs et aux investisseurs afin de leur permettre de mieux comprendre certaines obligations précises prévues par la législation en valeurs mobilières. Si une PEC est considérée comme un placement de titres, un prospectus doit être déposé auprès des autorités en valeurs mobilières à moins qu’une dispense des obligations de prospectus ne puisse être obtenue. Bien que les livres blancs décrivant des projets de chaînes de blocs constituent en quelque sorte des documents d’information, ils ne sont habituellement pas conformes à la législation en valeurs mobilières et ne respecteraient pas cette obligation. Toutefois, même si les émetteurs peuvent obtenir une dispense de prospectus valable, ils sont quand même assujettis aux obligations continues, notamment aux obligations d’information, qui sont susceptibles d’engager leur responsabilité civile.
Les entreprises de technologie financière exerçant les activités de courtier ou de conseiller en cryptomonnaies ou en jetons qui sont considérés comme des titres, ou qui souhaitent établir des fonds d’investissement dans les cryptomonnaies devront être dûment inscrites auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières ou se prévaloir d’une dispense d’inscription, et pourraient également devoir respecter certaines obligations en matière de connaissance du client ou de convenance au client. Les ACVM reconnaissent que ces obligations peuvent être remplies à l’aide « d’un processus en ligne automatisé et rigoureux comportant des mesures de protection des investisseurs ».
L’avis des ACVM prévoit également que les fonds d’investissement dans les cryptomonnaies doivent effectuer un contrôle diligent à l’égard des bourses de cryptomonnaies dont ils se servent pour acheter ou vendre des cryptomonnaies pour leurs portefeuilles. Il prévoit en outre que les dépositaires qui détiennent ces portefeuilles, en plus de satisfaire aux exigences prescrites par la législation en valeurs mobilières canadienne, devraient avoir suffisamment d’expertise dans la détention de cryptomonnaies. Par exemple, les dépositaires devraient avoir de l’expérience en stockage à chaud et à froid et en ce qui concerne les mesures de sécurité pour protéger les cryptomonnaies contre le vol. Cette obligation peut représenter un défi particulier pour les dépositaires établis qui ne sont pas encore prêts à intégrer de telles mesures.
Les plateformes de négociation de cryptomonnaies ou de jetons pourraient devoir respecter les obligations des marchés ou obtenir une dispense d’inscription. L’avis des ACVM confirme le fait que, jusqu’à présent, aucune bourse de cryptomonnaies n’a été reconnue dans un territoire du Canada ni n’a obtenu de dispense de reconnaissance.
De plus, l’avis des ACVM indique que les produits fondés sur les cryptomonnaies peuvent également être considérés comme des dérivés et donc être assujettis à d’autres exigences, notamment aux règles de déclaration des opérations.
Les ACVM prennent les choses en main
L’avis des ACVM sert en soi d’avertissement à l’intention des intervenants du secteur de la technologie de la chaîne de blocs, à savoir les acheteurs, les vendeurs, les créateurs, les bourses et les courtiers, du fait que l’époque des PEC non visées et non dispensées pour toutes les technologies relatives à la cryptomonnaie est révolue. Le repérage des PEC qui devraient faire l’objet de mesures d’application est hypothétique, mais le personnel des ACVM soulève néanmoins cette possibilité en faisant mention d’« imprévus coûteux sur le plan réglementaire ». Les ACVM avisent également que dans de « nombreux » cas de PEC qu’elles ont examinées jusqu’à présent, les technologies qui utilisaient la chaîne de blocs ou les cryptomonnaies entraînaient certaines incidences précises en matière de valeurs mobilières. Par conséquent, les ACVM s’attendent clairement à ce que chaque PEC fasse l’objet d’une évaluation rigoureuse afin de vérifier si les lois sur les valeurs mobilières s’appliquent, compte tenu des caractéristiques qui lui sont propres.
1 Avis 46-307 du personnel des ACVM, Les émissions de cryptomonnaies (l’« avis des ACVM »), daté du 24 août 2017, qui a été publié par le personnel (le « personnel ») dans tous les territoires du Canada, sauf en Saskatchewan :
https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2017/2017aout24-46-307-avis-acvm-fr.pdf
2 Voir le communiqué qui contient un lien vers le rapport :
https://www.sec.gov/news/press-release/2017-131 (disponible en anglais seulement)
3 Communiqué de la CVMO daté du 8 mars 2017:
https://www.osc.ca/fr/nouvelles-evenements/nouvelles/la-cvmo-met-laccent-sur-lapplication-eventuelle-des-exigences-du (disponible en anglais seulement)
4 La SEC publie un rapport remarqué sur la mobilisation de fonds au moyen de la technologie de la chaîne de blocs : les offres initiales de jetons « pourraient être » des placements de valeurs mobilières, le 28 juillet 2017:
https://www.dwpv.com/fr/Insights/Publications/2017/SEC-Issues-Landmark-Report-on-Blockchain-Fundraising
5 Pacific Coast Coin Exchange c. Ontario Securities Commission, [1978] 2 R.C.S. 112
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