Dans son énoncé de politique diffusé le 18 avril, le gouvernement fédéral a annoncé sa ligne de conduite concernant l’examen des investissements étrangers durant la pandémie de COVID-19, précisant qu’il « soumettra certains investissements étrangers à un examen approfondi aux termes de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »).
Ainsi, le gouvernement a avisé les investisseurs étrangers de ce qui suit :
- Il « examinera avec une attention particulière, au regard de la LIC, les investissements étrangers directs de toute valeur, avec ou sans contrôle, dans des entreprises canadiennes qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l'approvisionnement en biens et en services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement ».
- De plus, il « soumettra à un examen approfondi aux termes de la LIC tous les investissements étrangers réalisés par des investisseurs publics, quelle que soit leur valeur, ou par des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives. Cela peut impliquer que le ministre demande un complément d'information ou une prolongation du délai prévu pour l'examen, comme l'autorise la LIC, afin de s'assurer que le gouvernement est en mesure de bien évaluer ces investissements ».
- Les investisseurs étrangers sont donc « fortement encouragés à tenir compte du processus d'examen prévu par la LIC dès les premières étapes de la planification de leurs investissements » et à communiquer avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada (« ISDEC ») avant d'effectuer un investissement.
L'énoncé de politique explique que ce contrôle renforcé des investissements étrangers est nécessaire pour que ceux-ci « n'entraînent pas de nouveaux risques pour l'économie canadienne ou la sécurité nationale, ce qui englobe la santé et la sécurité des Canadiens » et qu’il s'appliquera jusqu'à ce que l'économie se soit remise des effets de la pandémie de COVID-19 . Nous présentons ci-dessous un résumé du processus d’examen des investissements étrangers en application de la LIC et des conséquences de l’énoncé de politique pour les investisseurs étrangers.
Informations générales
Selon la LIC, l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne par un non-Canadien doit être l’objet soit d’un examen de l’« avantage net », avant sa conclusion (si l’investissement dépasse certaines limites financières), soit d’un avis d’investissement (devant être déposé avant la conclusion ou, au plus tard, 30 jours suivant celle-ci). Les limites fixées aux fins du déclenchement de l’exigence de l’examen de l’avantage net sont moins élevées pour les investisseurs considérés comme des entreprises d’État. La LIC entend par « entreprise d’État » un gouvernement étranger ou un organisme d’un gouvernement étranger, ou une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement étranger ou un organisme d’un gouvernement étranger.
En plus du processus d'examen de l'avantage net, la LIC prévoit un processus d'examen distinct pouvant s'appliquer à tout investissement (même minoritaire) ou à la constitution d’une nouvelle entreprise au Canada lorsque l’investissement ou la nouvelle entreprise peut « porter atteinte à la sécurité nationale ». La notion de « sécurité nationale » n’est pas définie dans la LIC; toutefois, dans des lignes directrices publiées précédemment, les autorités ont énuméré neuf facteurs pouvant être pris en compte pour évaluer si l’exigence d’un examen lié à la sécurité nationale est susceptible d’être déclenchée (si, par exemple, il est probable que l'investissement ait des effets sur les capacités en matière de défense nationale, risque de permettre l'espionnage ou ait un impact sur des infrastructures essentielles ou sur l’approvisionnement des Canadiens en biens ou en services essentiels).
Le processus d'examen lié à la sécurité nationale peut être lancé jusqu'à 45 jours suivant la réception d’un avis d’investissement ou d’une demande d'examen (pour les opérations qui dépassent les limites financières fixées). L’investisseur peut volontairement porter à l’attention du ministre un investissement même si celui-ci n'est pas visé par l’obligation d’avis d’investissement ou de demande d’examen; dans ce cas, le ministre dispose d’un délai allant jusqu'à 45 jours suivant la conclusion pour l’aviser qu’il exige un examen lié à la sécurité nationale, le cas échéant. Si un examen lié à la sécurité nationale est déclenché, l'ensemble du processus peut prendre jusqu'à 200 jours (ou davantage si l'investisseur et le ministre conviennent de prolonger le délai). Nous décrivons nos constatations récentes quant au processus d'examen lié à la sécurité nationale dans le bulletin Le Rapport annuel concernant l’examen de l’investissement étranger au Canada témoigne d’un recentrage vers les préoccupations relatives à la sécurité nationale.
Incidences pour les investisseurs étrangers
- Le gouvernement fédéral semble être prêt à appliquer les dispositions exigeant un examen lié à la sécurité nationale à un plus grand éventail d’opérations que par le passé. Il reste à voir jusqu’où s’étendront pour le gouvernement les « biens et services essentiels » dans le contexte actuel, mais il est probable qu'ils s'étendent au-delà du secteur de la santé publique.
- L'annonce ne modifie pas les limites dont le dépassement, selon la LIC, déclenche l’exigence d’un examen de l'avantage net; toutefois, elle laisse entendre que l’examen de l'avantage net sera plus poussé et plus long durant la pandémie de COVID-19 qu’auparavant dans le cas de projets d’acquisition d'entreprises canadiennes dans les secteurs de la santé et des biens et services essentiels ou de projets d’acquisition par des entreprises d'État.
- Il n'est pas surprenant que le gouvernement fédéral cherche à examiner de près tout investissement pouvant avoir une incidence sur la santé et la sécurité publiques ou les biens et infrastructures essentiels durant la pandémie de COVID-19. Toutefois, l'objectif de l’intensification de l’examen de tous les investissements des entreprises d'État est moins clair, mais le gouvernement semble l’expliquer lorsqu’il affirme que « certains investissements au Canada par des entreprises d'État pourraient être motivés par des motifs non commerciaux qui pourraient nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada ». Par conséquent, il semble peu probable qu'un investissement effectué pour des motifs commerciaux dans le cours normal des activités par un fonds de pension étranger, par exemple (qui pourrait être considéré comme une entreprise d'État selon la LIC), soit compromis par un tel examen.
- Non seulement l’énoncé de politique encourage-t-il les investisseurs à communiquer dès le départ avec ISDEC, mais il contient la déclaration suivante : les investisseurs étrangers qui souhaitent « former leurs attentes d'approbation réglementaire avant la date de mise en œuvre […] doivent déposer un avis aux termes de la LIC au moins quarante-cinq jours avant d'effectuer un investissement ». Toutefois, en vertu de la LIC, l’obligation d’avis d’investissement ne s’applique pas aux investissements minoritaires qui n’entraînent pas une acquisition de contrôle, même si un examen lié à la sécurité nationale peut être lancé jusqu'à 45 jours suivant la conclusion d’un tel investissement qui est volontairement porté à l'attention du ministre. Nous ne savons pas encore clairement si cette déclaration peut être interprétée de manière à laisser entendre qu’ISDEC, pendant la pandémie de COVID-19, acceptera un avis d’investissement en l'absence d'une prise de contrôle. Cependant, nous savons par expérience qu’il est possible d’obtenir des indications quant à la possibilité d'un examen lié à la sécurité nationale en consultant de façon non officielle ISDEC même sans avoir déposé un avis d’investissement.
- Le gouvernement fédéral reconnaît le besoin de « demeur[er] ouvert aux investissements qui profitent aux Canadiens ». Il est donc peu probable que sa nouvelle ligne de conduite concernant les examens fasse obstacle aux opérations commerciales que souhaitent réaliser dans le cours normal des activités des entreprises qui ne sont pas des entreprises d’État et qui ne soulèvent pas de préoccupations en matière de sécurité nationale.
- Toutefois, les investisseurs étrangers qui envisagent d'investir au Canada durant la pandémie de COVID-19 (et jusqu'à ce que l’économie se soit remise) devraient consulter leur conseiller juridique dès le départ pour déterminer l’effet éventuel d’un examen plus poussé de leur projet d’investissement et, s’il y a lieu, s'adresser à la Division de l'examen des investissements d'ISDEC.