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Le gouvernement canadien annonce une « première série » de réformes de la Loi sur la concurrence

Auteurs : Anita Banicevic et Charles Tingley

Dans un récent communiqué de presse, le premier ministre du Canada a annoncé une « première série » de propositions de modifications à apporter à la Loi sur la concurrence et une « réforme législative complète » devant suivre dans les mois à venir. Alors que le gouvernement fédéral a lancé un processus de consultation sur la réforme de la Loi sur la concurrence à l’automne 2022, les modifications annoncées le 14 septembre semblent avoir été ajoutées de façon précipitée à un certain nombre d’initiatives gouvernementales destinées à faire baisser les prix et à « rendre la vie plus abordable » pour les Canadiens. Le communiqué de presse ne donne pas de détails permettant de connaître la portée des propositions.

En plus de laisser présager une future réforme, le premier ministre a annoncé les modifications législatives particulières suivantes à apporter à la Loi sur la concurrence.

Introduction de pouvoirs associés aux études de marché

Le Bureau de la concurrence se verra officiellement confier des pouvoirs lui permettant d’exiger des acteurs du marché qu’ils produisent des renseignements et des documents dans le cadre d’« études de marché » menées par le Bureau. Pour évaluer l’état de la concurrence dans une industrie ou un marché donné, le Bureau a entrepris des études de marché dans des secteurs variés, notamment les soins de santé numériques, les services sur large bande, la technologie financière, les médicaments génériques, les professions autoréglementées et le secteur de l’épicerie. Cependant, le Bureau se plaint depuis longtemps de son manque de pouvoir officiel pour contraindre les acteurs du marché à produire des renseignements et des documents. Aux fins de clarté, en vertu de la Loi sur la concurrence, le Bureau a déjà le pouvoir d’obtenir des ordonnances judiciaires pour obliger la production de renseignements et de données lorsqu’il a des raisons de croire qu’une infraction à une disposition de la Loi sur la concurrence a été commise ou qu’il a reçu une plainte formelle. Les nouveaux pouvoirs en matière d’études de marché semblent toutefois avoir pour but d’exiger la production de renseignements par des acteurs du marché, même lorsque le Bureau n’a pas établi de motifs probables justifiant des mesures correctives en vertu de la Loi sur la concurrence.

Bien que le gouvernement considère ces pouvoirs comme nécessaires pour « moderniser notre environnement concurrentiel », le coût des études de marché (même en l’absence d’outils de collecte de renseignements obligatoires) n’est souvent pas pris en compte. On ne sait pas non plus si les nouveaux pouvoirs relatifs aux études de marché seraient assortis d’un contrôle judiciaire. Actuellement, il existe un certain contrôle judiciaire à l’égard des ordonnances ex parte demandées par le Bureau pour obtenir la production de renseignements lorsqu’il a des raisons de croire qu’une infraction à la loi a été commise. Il sera essentiel de mettre en place un contrôle judiciaire important pour garantir que les coûts et l’ampleur des futures études de marché ne soient pas inutilement lourds, en particulier si l’on s’attend à ce que les demandes de production de renseignements dans le cadre des études de marché soient émises sans préavis aux destinataires de ces demandes et sans possibilité pour ceux-ci de présenter des observations devant un arbitre neutre.

Le Bureau a laissé entendre que la qualité relative et l’exhaustivité des réponses volontaires qu’il a reçues lors de sa récente étude de marché sur le secteur de l’épicerie justifient la mise en place de pouvoirs officiels de collecte de renseignements. Cependant, cette étude de marché fait également ressortir la nécessité d’un contrôle judiciaire à l’égard des pouvoirs d’enquête du Bureau. Dans cette étude menée d’octobre 2022 à juin 2023, le Bureau s’est uniquement concentré sur la vente au détail dans le secteur de l’épicerie et semble avoir demandé à de nombreuses parties prenantes une quantité de renseignements considérable.

Élimination de la défense fondée sur les gains en efficience

La controversée « défense fondée sur les gains en efficience » devrait être supprimée de la Loi sur la concurrence. Longtemps dénoncée par le Bureau, cette défense est devenue un élément criant devant faire l’objet d’une réforme législative.

En réalité, le nombre de cas où la défense fondée sur les gains en efficience a été invoquée avec succès est exceptionnellement faible; en fait, les plus récentes invocations de cette défense dans des fusions contestées ont été infructueuses. De plus, aucune des récentes opérations liées au secteur de l’épicerie ne semble s’être appuyée sur l’application de la défense fondée sur les gains en efficience, de sorte que le lien avec le secteur de l’épicerie n’est pas clair.

Il reste à voir si, après le retrait de la défense fondée sur les gains en efficience, ces gains seront toujours considérés comme l’un des facteurs à prendre en compte lors de l’évaluation des effets globaux d’une fusion sur la concurrence, conformément à l’approche adoptée dans d’autres territoires.

Des pouvoirs supplémentaires pour agir contre les « collaborations » qui étouffent la concurrence

Le communiqué de presse traite également de l’octroi au Bureau de la concurrence d’un pouvoir « de prendre des mesures contre les collaborations qui étouffent la concurrence et limitent le choix des consommateurs, en particulier dans les situations où de grands épiciers empêchent des concurrents plus petits de s’installer près d’eux. »

Étant donné que l’étude de marché sur le secteur de l’épicerie du Bureau a révélé l’utilisation de clauses restrictives dans les baux ou les actes au sein de ce secteur, on peut supposer que le communiqué de presse fait référence à ces pratiques. Toutefois, la portée de cette modification au-delà de telles clauses (comme le suggère la référence générale aux « collaborations ») demeure incertaine. En outre, bien que le communiqué de presse fasse référence à cette portée élargie de la Loi sur la concurrence relativement au secteur de l’épicerie, elle pourrait très bien s’appliquer à des collaborations hors de ce secteur.

Outre ces mesures, le communiqué de presse demande « aux grandes chaînes de supermarchés de stabiliser les prix des produits d’épicerie à court terme », avec la possibilité d’avoir recours à des mesures fiscales spéciales (parmi d’autres outils possibles) si les épiciers ne sont pas en mesure de présenter un plan de stabilisation des prix avant la fête de l’Action de grâce au Canada (le 9 octobre). Toutefois, l’effet probable de ces mesures est loin d’être clair, d’autant plus que l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en produits alimentaires (y compris les segments soumis à une réglementation stricte en matière de « gestion de l’offre ») a une incidence sur le prix final des produits alimentaires destinés aux consommateurs.

Prochaines étapes

Dans l’ensemble, bien que l’annonce du premier ministre comprenne de nombreuses autres initiatives gouvernementales décrites comme luttant pour la classe moyenne, la manière dont les réformes législatives connues à ce jour réduiront les prix ou augmenteront la concurrence demeure incertaine. En effet, ces pouvoirs supplémentaires s’accompagnent de coûts qui devront inévitablement être payés par les entreprises ou, au final, par les consommateurs. Les entreprises canadiennes doivent rester attentives à la législation à venir pour mettre en œuvre cette première étape de la réforme de la Loi sur la concurrence, en particulier aux nouvelles restrictions à l’égard des collaborations considérées comme étouffant la concurrence.

Par ailleurs, les parties prenantes attendront que la portée de la « réforme complète » à venir se précise après la rentrée parlementaire cette semaine. Étant donné que la plus récente série de modifications apportées à la Loi sur la concurrence faisait partie de la législation mettant en œuvre le budget fédéral en 2022, et n’a donc fait l’objet d’aucune consultation ou discussion, il reste à voir si l’examen et la consultation à l’égard de la première série de modifications ou de la réforme plus complète seront également contournés.

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