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Sous les projecteurs : Le Tribunal de la concurrence du Canada rend sa première décision fondée sur les dispositions modifiées de la Loi sur la concurrence concernant les indications trompeuses

Auteurs : Anita Banicevic, Charles Tingley et Umang Khandelwal

Le Tribunal de la concurrence du Canada (le « Tribunal ») a publié récemment une décision (en anglais seulement) dans laquelle étaient appliquées pour la première fois les dispositions modifiées de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») concernant les indications trompeuses. Dans sa décision, le Tribunal a évalué les indications en ligne de Cineplex Inc. concernant le prix de ses billets de cinéma, lesquelles, selon le commissaire à la concurrence (le « Commissaire »), étaient fausses ou trompeuses. Le Tribunal a tranché en faveur du Commissaire, concluant que, en ajoutant des frais de réservation en ligne obligatoires qui n’étaient pas indiqués clairement et séparément durant le processus d’achat, Cineplex a violé les dispositions générales concernant les indications trompeuses et les dispositions adoptées récemment concernant les « indications de prix partiel ». Le Tribunal a notamment ordonné à Cineplex de payer une sanction administrative pécuniaire (une « SAP ») de 38,9 millions de dollars canadiens, la SAP la plus élevée ayant été imposée jusqu’à ce jour en vertu de la Loi. Cineplex a publié une déclaration dans laquelle elle affirme qu’elle fera appel de la décision du Tribunal.

Plusieurs conclusions du Tribunal reposent sur l’approche de Cineplex relativement à ses indications de prix en ligne et, par conséquent, sont fondées sur les faits propres au cas de Cineplex. Cependant, comme nous l’expliquons plus en détail ci-après, certains aspects de la décision du Tribunal pourraient avoir des incidences à plus grande échelle pour les entreprises qui diffusent de la publicité au Canada, en particulier pour ce qui est de la façon dont le Tribunal évaluera vraisemblablement l’impression générale que donnent les indications en ligne et déterminera les mesures de redressement appropriées lorsqu’il conclut à l’existence d’un comportement trompeur.

Contexte : Modifications récentes et demande du Commissaire

Aux termes des dispositions civiles générales concernant les indications trompeuses prévues à l’alinéa 74.01(1)a) de la Loi, il est interdit de promouvoir un produit, un service ou des intérêts commerciaux en donnant au public des indications fausses ou trompeuses sur un point « important ».

En juin 2022, une nouvelle disposition (le paragraphe 74.01(1.1)) a été adoptée, sur la recommandation du Bureau de la concurrence (le « Bureau »), afin que les indications de prix partiel soient considérées explicitement comme étant fausses et trompeuses. Les « indications de prix partiel » désignent la pratique selon laquelle des frais additionnels sont ajoutés durant le processus d’achat, de sorte que le prix initialement annoncé est inatteignable. Plus précisément, la disposition concernant l’indication de prix partiel prévoit que l’indication d’un prix qui n’est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s’y ajoutent constitue une indication fausse ou trompeuse, sauf si les frais obligatoires sont imposés par la législation fédérale ou provinciale (comme une taxe de vente).

Dans le cadre des modifications adoptées en juin 2022, la SAP maximale qui peut être imposée en vertu des dispositions civiles concernant la publicité trompeuse (qui pouvait atteindre auparavant au plus 10 millions de dollars canadiens dans le cas d’une première ordonnance et 15 millions de dollars canadiens pour chaque violation subséquente) a également été augmentée. Elle correspond désormais au plus élevé des montants suivants : 10 millions de dollars canadiens ou trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement (ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles du défendeur).

En mai 2023, le Commissaire a présenté une demande (en anglais seulement) à l’encontre de Cineplex, la plus grande chaîne de salles de cinéma du Canada, dans laquelle il affirmait que la façon dont Cineplex ajoute des frais de réservation en ligne au prix de ses billets de cinéma achetés en ligne contrevient aux dispositions générales sur les indications trompeuses et à la disposition concernant les indications de prix partiel. En particulier, le Commissaire soutenait que les indications de prix affichés initialement sur le site Web et l’application de Cineplex sont fausses ou trompeuses puisque le prix indiqué ne peut pas être atteint (en raison de l’application des frais de réservation en ligne) et que l’information subséquente sur les frais de réservation en ligne située dans la partie inférieure de la page ne lui permettait pas [traduction] « de se disculper adéquatement de la tromperie ». En outre, le Commissaire faisait valoir que le processus d’achat de Cineplex est conçu de telle façon que les consommateurs peuvent ne jamais prendre connaissance des frais de réservation en ligne puisque l’information sur les frais ne figure que dans la partie inférieure de la page (dans une section située « sous la ligne de flottaison » que la plupart des consommateurs ne peuvent pas voir s’ils ne font pas défiler la page). Le Commissaire et ses experts réprouvaient également le fait que Cineplex utilise dans sa page d’achat un « ruban flottant » montrant le sous-total du prix des billets de cinéma dans lequel sont inclus les frais de réservation en ligne additionnels de 1,50 $ (sans que ces frais soient ventilés). Ce ruban flottant comprend également un bouton d’appel à l’action au moyen duquel les consommateurs sont invités à « poursuivre » le processus sans faire défiler la page. Selon le Commissaire et ses experts, le ruban donne l’impression au consommateur qu’il a atteint le bas de la page et, par conséquent, le dissuade de continuer à faire défiler la page.

Depuis 2020, le Bureau affirme que la publicité fausse et trompeuse constitue la principale catégorie de conduite commerciale pour laquelle il reçoit des plaintes. Fait intéressant, bien que le Bureau reçoive chaque année des milliers de plaintes fondées sur les dispositions concernant les indications trompeuses, il n’a reçu aucune plainte relativement aux indications de prix de Cineplex avant de présenter sa demande au Tribunal. On peut donc en déduire que le Bureau a entrepris des mesures d’application de la loi de sa propre initiative, ce qui montre bien qu’il peut lui-même chercher des cas qui correspondent à ses priorités en matière d’application de la loi.

Analyse de la décision du Tribunal

Pour parvenir à sa décision selon laquelle les prix des billets en ligne de Cineplex étaient trompeurs, le Tribunal a évalué (i) l’impression générale donnée par les indications de prix de Cineplex et (ii) la question de savoir si l’impression générale était fausse ou trompeuse sur un point important (tant pour l’application des dispositions générales concernant les indications trompeuses que pour la disposition particulière concernant les indications de prix partiel).

Évaluation de l’impression générale

Selon les dispositions concernant les indications trompeuses de la Loi, le Tribunal doit prendre en compte le sens littéral et l’« impression générale » d’une indication contestée. L’évaluation de l’impression générale peut être importante, car elle définit la portée de l’indication qui doit être appréciée en vue de déterminer s’il s’agit d’une indication trompeuse sur un point important. L’impression générale englobe des éléments comme la taille de la police et les images qui accompagnent le texte, et, par conséquent, l’impression générale diffère souvent du sens littéral. Dans le cas qui nous occupe, l’évaluation de l’impression générale par le Tribunal portait sur deux aspects clés :(i) le point de vue à partir duquel l’évaluation de l’indication doit être effectuée et (ii) la portée du contenu en ligne que le Tribunal doit prendre en compte lors de son évaluation.

Point de vue à partir duquel l’évaluation des indications doit être effectuée

Lorsqu’il s’est penché sur le point de vue à partir duquel il doit examiner une indication, le Tribunal a conclu que l’impression générale donnée par une indication doit être évaluée à partir du point de vue du « consommateur ordinaire des produits ou des services ». Ainsi, le Tribunal a rejeté l’argument avancé par le Bureau selon lequel l’impression doit être évaluée du point de vue d’un consommateur « crédule et inexpérimenté », une norme adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Richard c. Time, qui se fonde sur la Loi sur la protection du consommateur du Québec. Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal a examiné la jurisprudence portant sur la Loi, ainsi que les objectifs de la Loi comme telle, en établissant une distinction entre ses objectifs sous-jacents et ceux des lois provinciales en matière de protection des consommateurs1. À ce sujet, le Tribunal affirme que les dispositions concernant les pratiques commerciales trompeuses [traduction] « visent le bon fonctionnement des marchés, sans distorsion due à des représentations fausses ou trompeuses, au profit des consommateurs et des concurrents honnêtes et à inciter les entreprises à se faire concurrence sur la base du prix et de la qualité ».

Lorsqu’une indication donnée est destinée au public en général (plutôt qu’au consommateur potentiel d’un produit en particulier), il est possible que l’impression générale évaluée du point de vue d’un consommateur « crédule » ou « ordinaire » ne soit pas très différente. Toutefois, lorsque les consommateurs d’un produit en particulier sont bien informés ou instruits, cette différence de point de vue peut avoir une incidence sur le message transmis à ces consommateurs ou compris par ceux-ci (notamment parce que l’on peut s’attendre à ce que l’impression des consommateurs en question soit plus éclairée). De plus, selon le Tribunal, l’impression générale peut être nuancée en fonction [traduction] « de la nature de l’indication en cause, des caractéristiques des membres du public auxquels l’indication est donnée, communiquée ou destinée, de la nature du produit ou du service en cause et des circonstances particulières de l’affaire ». Par exemple, dans le cas qui nous occupe, le Tribunal a souligné que son évaluation du point de vue du consommateur ordinaire était influencée par des facteurs comme la présence d’un compte à rebours sur le site de Cineplex qui créait un sentiment d’urgence, le fait que les utilisateurs passaient typiquement environ trois minutes au total sur le site de Cineplex et les montants relativement faibles en jeu pour chaque achat. Comme les caractéristiques du public et les indications sont des éléments importants de l’évaluation de l’impression générale, il est essentiel que les annonceurs tiennent compte des mêmes éléments lorsqu’ils évalueront leur propre conformité.

Portée du contenu en ligne à prendre en compte

En ce qui concerne particulièrement l’information communiquée en ligne, la question de savoir quelles sections d’un site Web comprennent l’indication pertinente a fait l’objet d’un débat dans les décisions antérieures et peut être un élément essentiel de l’évaluation visant à déterminer si une indication donnée est fausse ou trompeuse. Lorsqu’il a déterminé la section du site Web de Cineplex qui pouvait être prise en compte dans le cadre de l’évaluation de l’impression générale donnée par les indications de prix de Cineplex, le Tribunal a accepté la position du Commissaire, à savoir que, dans l’affaire qui nous occupe, seule l’information située au-dessus de la « ligne de flottaison » (c’est-à-dire celle qui peut être vue sans avoir à faire défiler la page vers le bas) était pertinente. Sur ce point, Cineplex a fait valoir que la totalité de la page Web (y compris l’information qui figure dans la partie inférieure de la page) devait être prise en compte. La conclusion du Tribunal sur ce point a joué un rôle crucial dans l’issue de l’affaire puisque le Tribunal a reconnu que l’information sur les frais était communiquée aux consommateurs qui avaient parcouru l’ensemble de la page.

Dans le cas des indications en ligne, il peut sembler plutôt restrictif de s’en tenir au contenu situé au-dessus de la ligne de flottaison, mais il convient de noter que cette conclusion est probablement propre aux faits du cas de Cineplex. Dans cette affaire, le Tribunal a déterminé que, non seulement, le consommateur n’avait pas à faire défiler la page jusqu’à la partie inférieure du site Web de Cineplex (où figurait l’information concernant les frais de réservation en ligne), mais aussi, comme il est mentionné précédemment, que le site Web de Cineplex était conçu de manière à dissuader les consommateurs de faire défiler la page jusqu’à la partie inférieure. Cela dit, le Tribunal a accepté le témoignage de l’expert du Commissaire selon lequel [traduction] « les consommateurs font défiler une page Web ou une application vers le bas s’ils ont une raison de le faire ». Cette reconnaissance devrait apaiser certaines préoccupations, car la restriction ne s’appliquera pas nécessairement de la même manière à toutes les indications en ligne, à savoir à ce qui peut être initialement vu au-dessus de la ligne de flottaison, en particulier si les consommateurs ont une raison de faire défiler la page vers le bas ou de consulter d’autres éléments du contenu. Après avoir pris en compte le point de vue du consommateur ordinaire et le contenu pertinent, le Tribunal a conclu que l’impression générale donnée par les indications de Cineplex était que le prix qui figurait initialement en ligne lorsque le consommateur achetait des billets (c’est-à-dire sans les frais de réservation en ligne) était le prix applicable pour lequel les billets pouvaient être achetés en ligne.

Évaluation visant à déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses

Selon le Tribunal, les indications de prix de Cineplex étaient fausses ou trompeuses sur un point important lorsqu’elles étaient évaluées sur le fondement des dispositions générales concernant les indications trompeuses et des nouvelles dispositions de la Loi concernant l’indication de prix partiel.

Dans le cadre de son évaluation des indications de prix de Cineplex fondée sur l’alinéa 74.01(1)a), le Tribunal a conclu que les prix des billets affichés initialement n’étaient pas exacts et que [traduction] « le consommateur est leurré ou induit en erreur par l’information contradictoire et incomplète sur la page des billets après avoir cliqué sur le bouton AJOUTER pour ajouter un ou plusieurs billets ». Le Tribunal a expressément souligné ce qui suit : (i) le fait que Cineplex n’ait pas indiqué les frais de réservation en ligne au moment de l’affichage initial des prix des billets a grandement influencé sa conclusion et (ii) la présentation d’un sous-total qui incluait, mais ne mentionnait pas, les frais de réservation en ligne n’était pas suffisante pour dissiper l’impression générale selon laquelle les billets de cinéma en ligne étaient offerts aux prix affichés initialement. Le Tribunal n’a pas expressément examiné la question de savoir si les « solutions de rechange » proposées par l’expert du Commissaire dans son rapport produit en réponse (selon lesquelles les frais de réservation en ligne auraient pu être présentés dans une fenêtre contextuelle) auraient été considérées comme conformes. Le Tribunal a également déterminé que les indications sur le prix des billets de Cineplex remplissaient le critère relatif à l’« importance », étant donné que Cineplex elle-même avait mené des études selon lesquelles une augmentation du prix de 1 à 2 dollars canadiens était suffisante pour influencer le comportement d’un consommateur.

Pour ce qui est des nouvelles dispositions concernant l’indication de prix partiel, le Tribunal a conclu que les indications de prix fournies par Cineplex remplissaient également les critères prévus au paragraphe 74.01(1.1) et que, par conséquent, elles étaient considérées comme fausses ou trompeuses. Plus précisément, selon le Tribunal, les frais de réservation en ligne constituaient des frais fixes et obligatoires puisqu’ils étaient obligatoires pour un sous-ensemble précis de consommateurs (indépendamment du fait que tous les consommateurs n’étaient pas tenus de payer ces frais). Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a rejeté l’argument de Cineplex selon lequel le prix initial annoncé pouvait en fait être atteint si les billets de cinéma étaient achetés en personne. Le Tribunal a souligné que les consommateurs s’attendaient à ce que les prix annoncés initialement par Cineplex sur son site Web soient atteignables s’ils achetaient leurs billets sur le site Web. Le Tribunal a également fait remarquer que le site Web de Cineplex ne mentionnait pas que les frais de réservation en ligne ne seraient pas facturés si les billets étaient achetés en personne.

Application des nouvelles dispositions concernant les recours

Lorsque le Tribunal conclut à l’existence d’un comportement trompeur, il peut, à sa discrétion, choisir la forme des mesures de redressement et imposer une ordonnance d’interdiction (interdisant un tel comportement à l’avenir), une SAP et/ou une forme de restitution aux personnes touchées par le comportement trompeur. Dans le cas qui nous occupe, le Commissaire a demandé l’imposition d’une [traduction] « sanction financière de 40 millions de dollars canadiens sous la forme d’une SAP, d’une restitution ou d’une combinaison des deux ». Les 40 millions de dollars canadiens demandés correspondaient environ au montant des recettes (environ 39 millions de dollars canadiens) que Cineplex a tirées des frais de réservation en ligne entre juin 2022 et le 31 décembre 2023.

Bien que le Tribunal ait examiné la possibilité d’ordonner la restitution sous forme de remboursements aux consommateurs touchés, il a finalement conclu que des limites administratives rendaient ce recours peu pratique (soulignant que les observations des parties n’avaient pas pris en compte les [traduction] « nombreuses questions pratiques » en jeu et qu’il n’y avait [traduction] « aucune proposition ou preuve sur la manière de distribuer les remboursements individuels aux consommateurs »). Plus précisément, le Tribunal a souligné [traduction] « la possibilité qu’un très grand nombre de petits remboursements doivent être effectués et que les frais administratifs pour les distribuer aux consommateurs soient élevés ». Si une restitution avait été ordonnée, ces remboursements auraient pu avoir une incidence sur la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts, ou sur leur montant, dans le cadre d’une action collective de consommateurs découlant de la décision du Tribunal, actions qui sont devenues plus courantes dans les litiges en matière de publicité au Canada.

Lorsqu’il ordonne une SAP, en vertu des dispositions modifiées, le Tribunal peut, à sa discrétion, imposer des sanctions allant jusqu’à trois fois la valeur du « bénéfice » tiré du comportement en cause. Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal a déterminé que la totalité des recettes tirées des frais de réservation en ligne correspondait à la valeur du « bénéfice » tiré du comportement et que la sanction pécuniaire maximale était donc de 116,9 millions de dollars canadiens (c’est-à-dire trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement). Cela dit, il semble qu’il y ait eu peu de discussions sur la nature précise du bénéfice que Cineplex a tiré en ne communiquant pas clairement l’information sur les frais de réservation en ligne à tous les consommateurs. Selon l’approche retenue par le Tribunal, il est considéré que tous les consommateurs qui ont payé les frais de réservation en ligne auraient choisi de ne pas acheter un billet en ligne si l’information avait bien été communiquée. Le Tribunal a ajouté que, [traduction] « par souci d’équité », il n’ordonnerait pas une pénalité excédant la valeur du bénéfice tiré du comportement (le total des recettes provenant des frais de réservation jusqu’à la fin de l’année 2023). On ne sait toutefois pas exactement quelle aurait été la SAP imposée par le Tribunal si le Commissaire en avait demandé une plus élevée et dans quelle mesure le souci d’équité du Tribunal repose sur le fait qu’il s’agit de la première affaire dans laquelle ont été interprétées et appliquées les nouvelles dispositions concernant l’indication de prix partiel et/ou les dispositions concernant les sanctions majorées.

À mesure que les SAP imposées seront plus élevées, les défenses pouvant être invoquées, comme la défense de diligence raisonnable (qui n’a pas été soulevée par Cineplex), sont susceptibles de devenir plus importantes. Lorsque la défense de diligence raisonnable est invoquée, une SAP ne peut pas être imposée s’il est possible d’établir que la personne a fait preuve de diligence en vue d’empêcher un comportement. Aussi, avec l’augmentation des SAP (en particulier lorsque d’autres mesures de redressement sont également imposées), la question de savoir si le montant imposé s’apparente plus à une punition qu’à une simple incitation au respect des exigences se posera vraisemblablement.

Enfin, le Tribunal a également exercé son pouvoir discrétionnaire et a imposé une ordonnance d’interdiction de 10 ans selon laquelle Cineplex ne doit pas se livrer au comportement répréhensible ou à un comportement similaire. Des ordonnances d’interdiction ne sont pas imposées dans toutes les affaires, mais elles entraînent des conséquences importantes si elles ne sont pas respectées.

Incidences pour les annonceurs

Bien que l’on ne sache pas encore si l’appel présenté par Cineplex aura une incidence sur la décision du Tribunal, dans l’intervalle, les sociétés qui diffusent de la publicité au Canada ont tout intérêt à tenir compte de ce qui suit :

  • Des mesures vigoureuses d’application de la loi devraient continuer à être prises à l’encontre des indications de prix partiel. Dans son Plan annuel 2024-2025, le Bureau confirme qu’il continuera de lutter contre les indications de prix partiel, et les représentants du Bureau ont déclaré publiquement qu’ils se penchaient sur plusieurs dossiers en lien avec les indications de prix partiel. Comme les « frais indésirables » (en anglais seulement) font aussi l’objet d’une attention particulière aux États-Unis, il n’est pas surprenant qu’une telle attention continue d’être portée à la question.
  • Une évaluation attentive du processus d’achat en ligne doit être effectuée pour s’assurer que l’information sur les frais obligatoires est communiquée. La décision du Tribunal nous rappelle qu’il convient de communiquer de manière adéquate tous les frais obligatoires imposés aux consommateurs, de les ventiler clairement et de les placer bien en vue. Bien que le Tribunal ne soit pas allé jusqu’à conclure que la Loi exige l’indication du prix tout compris pour que les entreprises respectent les exigences, il ne faut pas oublier que, selon le Bureau, l’information communiquée ultérieurement (de façon non simultanée) ne permet pas nécessairement de remédier à une indication de prix initiale considérée comme trompeuse.
  • La forme et le format des indications que consultent les consommateurs doivent être pris en considération. Bien que plusieurs des conclusions du Tribunal soient fondées sur les faits propres au cas de Cineplex, les annonceurs devraient néanmoins revoir la façon dont leur site Web est conçu afin de s’assurer que les consommateurs sont encouragés à prendre connaissance de toute information permettant de comprendre les indications, ou qu’ils sont contraints de le faire. En outre, il convient de prendre en considération l’utilisation et l’impact potentiel des « comptes à rebours » et autres « indices d’urgence ».
  • Les programmes de conformité sont importants. La mise en place d’un programme de conformité solide et efficace en matière de publicité pourrait permettre aux annonceurs de repérer les problèmes potentiels et de présenter une défense de diligence raisonnable, ce qui peut être particulièrement important compte tenu des SAP élevées et des risques liés à la réputation susceptibles de découler d’une violation de la Loi.
  • Les droits d’actions privés seront bientôt une réalité avec laquelle il faudra composer. Bien que l’application des dispositions civiles concernant les indications trompeuses relève pour l’instant exclusivement du Bureau, il convient de rappeler aux entreprises qu’un droit d’action privé (moyennant l’autorisation du Tribunal) pourra être exercé à partir de juin 2025. Dans l’intervalle, plusieurs actions collectives (fondées sur des violations présumées des dispositions pénales de la Loi concernant la publicité trompeuse) ont été intentées sur le fondement d’allégations d’indication de prix partiel dans divers secteurs, notamment contre Postes Canada, le fleuriste en ligne Bloomex, le site de voyage Omio et Cineplex.

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À propos de Davies

Davies possède une grande expérience en ce qui a trait à l’application des dispositions concernant les indications trompeuses de la Loi sur la concurrence et dans la réponse aux plaintes et aux demandes de renseignements connexes. Nous avons représenté des clients qui sont parvenus à une entente avec le Bureau de la concurrence et dans le cadre d’instances contestées et d’actions collectives privées dans ce domaine.

1Cineplex et le Tribunal ont cité un article d’Anita Banicevic sur le point de vue à utiliser afin d’évaluer l’impression générale. Voir Anita Banicevic, « Assessing General Impression under the Competition Act: The Credulous Man Who Was Never There », 29 Revue canadienne du droit de la concurrence 57 (2016).

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