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Changements au régime de protection du consommateur au Québec : sanctions administratives pécuniaires et augmentation des amendes pénales

D’importants changements au régime québécois de protection du consommateur sont entrés en vigueur plus tôt cette année. Le président de l’Office de la protection du consommateur (OPC), l’autorité qui supervise le régime de protection du consommateur au Québec, peut maintenant imposer des sanctions administratives pécuniaires (SAP) pour des manquements à un grand nombre de règles de protection du consommateur. Les amendes pénales applicables ont également été augmentées.

Toutes les entreprises exerçant des activités soumises à la Loi sur la protection du consommateur du Québec (LPC), ainsi que leurs administrateurs, dirigeants et bénéficiaires ultimes, ont intérêt à se familiariser avec les nouvelles règles et à s’assurer de la conformité de leurs activités avec la LPC.

Points clés

  • Dans le cas de « manquements objectivement observables » à plusieurs règles de protection du consommateur, le président de l’OPC peut dorénavant imposer des SAP allant de 300 $ à 1 750 $, dans le cas d’une personne physique, et de 600 $ à 3 500 $ pour des entités, en plus des intérêts. Ces sanctions pourront être imposées pour chaque jour durant lequel le manquement se poursuit.
  • L’imposition d’une SAP pourra être contestée devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ).
  • Si l’entité responsable d’un manquement fait défaut de payer une SAP, ses administrateurs et dirigeants seront tenus solidairement responsables du paiement de la SAP, sauf s’ils établissent avoir fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement. Pour garantir le paiement de la SAP, la LPC prévoit une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles de l’entité, mais aussi sur ceux de chacun des administrateurs et dirigeants solidairement responsables.
  • Les infractions pénales à la LPC sont désormais réparties en quatre types, chacun associé à un ensemble d’amendes. L’amende maximale la plus haute a été augmentée à 175 000 $ (sauf pour une personne physique). Pour certaines infractions, l’amende maximale pourrait cependant être augmentée jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’exercice financier précédent du contrevenant. Pour déterminer le montant de l’amende, le tribunal tiendra notamment compte du bénéfice pécuniaire retiré de l’infraction, du préjudice économique causé aux consommateurs, et du comportement antérieur d’un contrevenant en ce qui a trait au respect de la LPC.
  • Les administrateurs, dirigeants, mandataires, représentants ou bénéficiaires ultimes du contrevenant seront présumés avoir commis l’infraction et seront passibles d’une amende, sauf s’ils établissent leur diligence raisonnable (ou, dans le cas d’un bénéficiaire ultime, l’absence de contrôle de fait de l’entité).

Sanctions administratives pécuniaires

Le nouveau régime de SAP découle de certaines dispositions du Projet de loi 29, Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en octobre 2023. Le Projet de loi 29 prévoyait que le gouvernement du Québec déterminerait par règlement les « manquements objectivement observables » à des règles de protection du consommateur « pouvant donner lieu à l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire par le président » de l’OPC. En date du 27 novembre 2024, les règlements suivants ont été adoptés : Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires relatives à la Loi sur la protection du consommateur et Règlement modifiant le Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (Règlements). Les dispositions pertinentes de la Loi 29 et des Règlements sont entrées en vigueur le 5 janvier 2025.

Les SAP sont différentes des amendes pénales. Il s’agit d’un mécanisme d’application de la loi qui est moins exigeant pour les autorités, contrairement aux procédures pénales qui entraînent l’application de certains droits prévus par la Charte canadienne des droits et libertés ou la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (comme la présomption d’innocence et la nécessité d’une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable). Par contre, lorsqu’une SAP impose une « véritable conséquence pénale », des garanties constitutionnelles similaires peuvent trouver application. L’entrée en vigueur du régime de SAP pourrait donc signaler une augmentation des activités de l’OPC pour faire respecter la LPC. Ce nouveau régime pourrait également donner lieu à des contestations constitutionnelles.

Les règles de protection du consommateur qui pourront faire l’objet de SAP sont nombreuses et très diverses. Elles incluent tant des règles générales applicables à tout contrat de consommation que des règles plus spécifiques applicables à certains contrats seulement, dont les contrats de vente ou de louage de biens, les contrats de services, les contrats conclus à distance et les contrats de crédit. Des SAP pourront aussi être imposées à l’égard de certaines pratiques interdites, dont le fait de faire une représentation fausse à un consommateur.

S’il constate l’un des manquements identifiés par règlement, le président de l’OPC pourra d’abord notifier un avis de non-conformité à l’entité en défaut afin de l’inciter à prendre sans délai les mesures requises pour remédier au manquement constaté. L’entité pourra ensuite présenter des observations au président de l’OPC.

S’il décide d’imposer une SAP, le président de l’OPC enverra au responsable d’un manquement un avis de réclamation indiquant le montant réclamé ainsi que sa date d’exigibilité et les motifs de la SAP imposée. En règle générale, une SAP pourra être imposée jusqu’à deux ans après la date du manquement.

L’avis de réclamation pourra être contesté dans un délai de 30 jours de la notification devant la Section des affaires économiques du TAQ, qui pourra seulement confirmer ou infirmer la décision du président de l’OPC. La décision du TAQ ne pourra pas être portée en appel, mais pourra faire l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec.

Les administrateurs et dirigeants d’une entité responsable d’un manquement aux règles de protection du consommateur seront solidairement tenus au paiement de la SAP en cas de non-paiement de l’entité responsable, sauf s’ils établissent avoir fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement. La LPC prévoit que le paiement de la sanction sera garanti par une hypothèque légale non seulement sur les biens meubles et immeubles du responsable du manquement, mais aussi sur ceux de chacun des administrateurs et dirigeants tenus solidairement.

Le non-paiement d’une SAP pourra aussi entraîner d’autres conséquences administratives, dont le refus de délivrer un permis en vertu de la LPC ou la suspension ou l’annulation d’un tel permis.

Amendes pénales

Les personnes déclarées coupables d’une infraction aux règles de protection du consommateur du Québec s’exposaient précédemment à une amende maximale de 15 000 $, dans le cas d’une personne physique, ou de 100 000 $, dans le cas d’une personne morale. Par ailleurs, la démonstration de la culpabilité de l’administrateur ou du représentant d’une personne morale exigeait une preuve hors de tout doute raisonnable que cet individu avait eu connaissance de l’infraction.

Depuis le 5 janvier 2025, ce régime d’amendes pénales a été modifié et rehaussé. Les infractions à la LPC sont désormais réparties en 4 types, chacun associé à un ensemble d’amendes (les infractions aux règlements font l’objet de règles spécifiques) :

  • Les infractions du type 1 sont punissables par une amende maximale de 15 000 $, pour une personne physique, ou de 30 000 $, dans les autres cas. Les infractions du Niveau 1 sont toutes celles qui ne sont pas expressément associées à des amendes plus élevées.
  • Les infractions du type 2 sont punissables par une amende maximale de 37 500 $, pour une personne physique, ou de 75 000 $, dans les autres cas. Ces infractions incluent notamment le non-respect de plusieurs exigences de forme ou de contenu de contrats de consommation.
  • Les infractions du type 3 sont punissables par une amende maximale de 62 500 $, pour une personne physique, ou de 125 000 $, dans les autres cas. Cependant, l’amende peut dépasser ces seuils et être portée à 5 % du chiffre d’affaires mondial du contrevenant pour l’exercice financier précédent. Les infractions visées sont nombreuses et comprennent notamment l’inclusion dans un contrat de certaines stipulations interdites, la réclamation à un consommateur de frais non mentionnés de façon précise dans le contrat, l’exigence de frais de crédit plus élevés que ceux permis par la LPC, les représentations fausses ou trompeuses faites à un consommateur, le non-respect de plusieurs autres règles spécifiques à certains types de contrats, et la commission de plusieurs autres types de pratiques interdites.
  • Les infractions du type 4 sont punissables par une amende maximale de 87 500 $, pour une personne physique, ou de 175 000 $, dans les autres cas. Ces infractions incluent notamment celles de n’être pas titulaire d’un permis, d’entraver l’application de la LPC, ou de ne pas se conformer à une décision du président de l’OPC ou à une ordonnance du tribunal.
  • L’amende maximale est doublée en cas de récidive.

Par ailleurs, les administrateurs, dirigeants, mandataires, représentants ou bénéficiaires ultimes d’un contrevenant seront dorénavant présumés avoir commis l’infraction et seront passibles d’une amende, sauf :

  • dans le cas d’administrateurs, de dirigeants, de représentants ou de mandataires, s’ils établissent avoir fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration; ou
  • dans le cas de bénéficiaires ultimes, s’ils établissent qu’ils n’ont pas une influence leur permettant de contrôler de fait l’entité qui a commis l’infraction à la LPC.

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