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Le Bureau de la concurrence du Canada publie une nouvelle mouture de son Programme d’immunité aux fins de consultation

Auteurs : Alysha Manji-Knight et George N. Addy

Aux fins de consultation, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié le 26 octobre 2017 une version révisée de son Programme d’immunité (le « Programme révisé »). Le Programme d’immunité vise à encourager les entreprises et les particuliers à déclarer des comportements qui constituent des infractions aux termes de la Loi sur la concurrence. La période de consultation prend fin le 29 décembre 2017.

La dernière mise à jour du Programme d’immunité remonte à 2010, soit il y a plus de sept ans. La section « Foire aux questions » du programme avait cependant été actualisée en 2013.

Les défaites importantes que le Bureau a récemment encaissées dans des affaires criminelles reposant sur des renseignements obtenus aux termes du Programme d’immunité sont certainement en partie à l’origine de la publication du Programme révisé (on trouvera de plus amples détails sur ces affaires dans notre bulletin Concurrence et examen de l’investissement étranger au Canada : grandes tendances et questions à suivre en 2016 . Dans le communiqué annonçant la publication du Programme révisé, le Bureau indique que les révisions proposées permettront au Bureau et au Service des poursuites pénales du Canada (le « SPPC ») « d’être mieux préparés pour les poursuites ». Pour y arriver, cependant, il semble que le Bureau soit d’avis qu’il doit imposer aux demandeurs d’immunité des obligations de coopération et de divulgation plus rigoureuses aux termes du Programme révisé.

Outre des modifications telles que l’intégration de la foire aux questions dans la description du programme, le Programme révisé comprend les principaux changements suivants :

  • Enregistrement audio de la présentation de l’information. À l’instar du département de la Justice des États-Unis, le Bureau a jusqu’à maintenant privilégié un système de présentation de l’information « sans papier », selon lequel le conseiller juridique d’un demandeur d’immunité peut faire la présentation de l’information de vive voix. Selon le Programme révisé, le Bureau pourra continuer de prendre des notes détaillées des présentations orales, mais pourra également en faire un enregistrement audio électronique. En règle générale, les présentations de l’information sont faites par les conseillers juridiques externes plutôt que par les parties elles-mêmes.
  • Processus en quatre étapes. Le Programme révisé comprend maintenant une étape intermédiaire, soit l’octroi d’une immunité provisoire contre les poursuites (l’ « IPCP »), par laquelle le demandeur obtient provisoirement l’immunité sous réserve du respect de conditions, l’immunité définitive dépendant de sa coopération. Selon le Programme révisé, le Bureau recommandera au Service des poursuites pénales du Canada, l’organisme responsable de poursuivre les infractions criminelles relevant de la compétence du gouvernement fédéral, d’accorder l’IPCP en fonction des renseignements présentés (par exemple, documents, entrevues de témoins, etc.). S’il apprend que le demandeur d’immunité ne respecte pas les conditions de l’IPCP, le Bureau pourra recommander au SPPC de révoquer l’IPCP et de ne pas accorder l’immunité définitive au demandeur. Le SPPC n’accordera l’immunité définitive que lorsqu’il sera convaincu que l’aide du demandeur d’immunité n’est plus nécessaire (c’est-à-dire lorsque les procédures d’application de la loi intentées contre les autres parties auront pris fin). Fait à remarquer, avant 2010, le Programme d’immunité comprenait une quatrième étape analogue à l’IPCP, soit la garantie provisoire concernant l’octroi de l’immunité (la « GPOI »). Le Bureau a supprimé la GPOI du Programme d’immunité afin de réduire l’incertitude entourant les obligations du demandeur d’immunité et les garanties qu’il obtenait dans le cadre de son entente de coopération avec le Bureau; d’aligner le Programme d’immunité sur les pratiques suivies par les organismes partenaires du Bureau ce qui simplifierait le processus de protection dans plusieurs territoires; et de le rendre conforme à ce qui était devenu la pratique établie du Bureau et du SPPC (habituellement, seule la GPOI était délivrée au demandeur d’immunité, devenant ainsi de facto l’entente définitive). L’introduction de l’IPCP met en lumière l’importance que le Bureau accorde à la collaboration continue des demandeurs d’immunité.
  • Enregistrement des entrevues des témoins. Tous s’entendent sur le fait que les entrevues de témoins font partie intégrante de tout programme d’immunité, y compris celui en vigueur au Canada, mais le Programme révisé prévoit que le Bureau « peut » enregistrer celles-ci sous forme vidéo ou audio. Toutefois, le Bureau ne donne aucune indication sur les facteurs qui pèseront sur sa décision d’enregistrer certains témoins plutôt que d’autres. De plus, le Programme révisé précise que ces entrevues de témoins devront être complétées dans les six mois de l’IPCP. L’adoption des pratiques proposées pourrait entraver la coopération internationale entre les organismes chargés de l’application de la loi.
  • Obligations de divulgation accrues et revendication du privilège. Selon le Programme révisé, le demandeur d’immunité doit communiquer tous les documents pertinents non privilégiés, y compris les dossiers d’enquête interne. De plus, le demandeur qui s’abstient, sur la base d’un privilège juridique, de communiquer un document qui serait pertinent doit, dans les 30 jours qui suivent la délivrance de l’IPCP, fournir au Bureau un avis de revendication de privilège précisant le privilège invoqué et la nature des documents qui sont protégés par celui-ci. Le Bureau transmettra ces renseignements au SPPC, qui pourra demander à un avocat indépendant de rendre une décision quant au privilège revendiqué conformément au processus décrit dans le Programme révisé. Dans ce cas également, le défaut de collaborer peut entraîner la révocation de l’IPCP.

Implications

Les changements qu’il est proposé d’apporter au Programme révisé ont peut-être pour but d’inciter les entreprises et les particuliers à signaler des comportements qui constituent des infractions aux termes de la Loi sur la concurrence, mais ils risquent fort de rompre l’équilibre atteint par l’actuel Programme d’immunité et de « refroidir » les demandeurs d’immunité qui pourraient hésiter à se manifester. Par exemple, l’incertitude accrue entourant l’enregistrement des entrevues de témoins et surtout la possibilité que ces enregistrements fassent l’objet d’un interrogatoire préalable dans une action en responsabilité civile ultérieure seront très certainement une source de préoccupations pour les demandeurs d’immunité. L’accroissement des obligations de divulgation et l’ajout de l’étape de l’immunité provisoire pourraient également alourdir le déroulement et les processus associés à des enquêtes mondiales complexes qui nécessitent la coordination des demandes d’immunité dans une foule de pays. Le recours au Programme d’immunité est moins fréquent ces dernières années pour plusieurs raisons, dont l’incertitude accrue et les frais connexes, et l’adoption des changements proposés pourraient facilement accentuer ce recul. Est-il vraiment nécessaire de réparer un programme qui n’a rien de cassé?

Les parties intéressées à donner leur point de vue sur les modifications proposées au Programme d’immunité peuvent le faire jusqu’au 29 décembre 2017.

Pour lire le texte complet du Programme révisé.

Personnes-ressources

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