Bulletin

Réforme et tendances du droit canadien de la concurrence en 2022

Lorsque nous jetons un regard sur les tendances et les questions susceptibles d’être à l’avant-plan des politiques et des mesures d’application de la loi touchant le droit canadien de la concurrence en 2022, il est clair que les discussions entourant les importants projets de réforme législative susciteront beaucoup d’attention. En outre, on peut s’attendre à ce que les événements récents concernant les examens des fusionnements et les actions collectives, ainsi que l’accroissement du financement du Bureau de la concurrence (le « Bureau ») aient une incidence sur l’application du droit canadien de la concurrence dans les sphères publique et privée à partir de 2022. Nous présentons en détail ci-dessous notre point de vue sur chacune des tendances clés et les conséquences qui en découlent. Nous traiterons des principaux changements et des principales tendances touchant les lois canadiennes sur l’examen des investissements étrangers dans une publication distincte à paraître prochainement.

Principales tendances au sein du droit canadien de la concurrence en 2022

  1. Le gouvernement fédéral va revoir la législation sur la concurrence alors que le Bureau publie une liste de souhaits.
  2. Un Bureau renforcé intensifierait vraisemblablement les mesures d’application de la loi, y compris sur les marchés numériques.
  3. L’examen des fusionnements demeure une priorité absolue du Bureau.
  4. Risque de clôture pendant que l’examen du Bureau est en cours : décision dans l’affaire Secure Energy.
  5. Les modifications apportées aux Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents reflètent un élargissement de la portée de l’examen des accords entre concurrents.
  6. Les actions collectives en matière de concurrence rencontrent une (légère) résistance.

Le gouvernement fédéral va revoir la législation sur la concurrence alors que le Bureau publie une liste de souhaits

Le 7 février 2022, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a annoncé qu’il reverrait la Loi sur la concurrence (la « Loi ») afin d’« examiner avec soin divers moyens pouvant être mis à contribution pour améliorer son application », notamment pour :

  1. régler les échappatoires qui permettent des comportements dommageables;
  2. mieux traiter les cas d’affichage de prix partiel (aussi appelés, les « frais cachés »);
  3. lutter contre les ententes de fixation de salaires, qui n’entrent pas actuellement dans le champ d’application des dispositions de la loi relative aux complots criminels;
  4. améliorer l’accès à la justice pour les personnes lésées par des comportements anticoncurrentiels;
  5. adapter la législation afin de mieux lutter contre les formes émergentes de comportements dommageables au sein de l’économie numérique;
  6. moderniser le régime de sanctions pour s’assurer qu’il continue concrètement de dissuader les comportements commerciaux dommageables.

L’annonce du ministre cadre avec son mandat d’examiner si la législation canadienne sur la concurrence doit être actualisée (comme l’indique la lettre de mandat que lui a adressée récemment le premier ministre); sa réponse concorde également avec les appels de plus en plus nombreux du Bureau et d’autres observateurs en faveur d’une réforme du droit de la concurrence. Comme nous l’avons noté dans un bulletin, lors du discours qu’il a prononcé en octobre 2021, le commissaire de la concurrence a plaidé en faveur d’une réforme de la législation, citant la prééminence des nouvelles économies numériques et technologiques et « la transition marquée vers une application plus agressive des lois sur la concurrence » dans d’autres territoires. En écho au discours public, le sénateur Howard Wetston, ancien commissaire de la concurrence, a commandé un document pour évaluer l’efficacité de la politique de concurrence du Canada à la lumière des tendances économiques récentes, y compris la croissance de l’économie numérique. Le sénateur Wetston a lancé un appel public à des commentaires sur la réforme du droit de la concurrence après la publication du document à l’automne et a récemment publié les mémoires qu’il a reçus.

Le Bureau a également publié récemment le mémoire qu’il a soumis au sénateur Wetston, peu après que le ministre eut annoncé qu’il reverrait la Loi. Le mémoire du Bureau présente une liste de souhaits détaillée contenant de nombreuses recommandations de fond sur la façon de modifier la Loi. Conformément aux commentaires antérieurs du commissaire, le mémoire du Bureau met l’accent sur les écarts entre la législation sur la concurrence au Canada et celle d’autres territoires et fait valoir que les normes établies à partir de l’analyse des industries plus « traditionnelles » ne sont « pas adaptées » à l’économie numérique. Dans son long mémoire, le Bureau a préconisé plusieurs réformes précises de la Loi, notamment les suivantes :

  1. l’élimination de la « défense fondée sur les gains en efficience », qui, selon le Bureau, permet la réalisation de fusionnements anticoncurrentiels – au détriment potentiel du public;
  2. des changements importants au régime actuel d’examen des fusionnements, notamment
    1. le transfert aux parties au fusionnement du fardeau de prouver qu’un « fusionnement concentratif » n’aurait pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence;
    2. l’exigence que les mesures correctives rétablissent la concurrence aux niveaux d’avant le fusionnement et ne servent pas seulement à éliminer tout empêchement ou toute diminution « sensible » de la concurrence;
    3. l’assouplissement des normes juridiques applicables aux injonctions devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »);
    4. le comblement de certaines « échappatoires » techniques perçues dans le régime d’avis préalable au fusionnement afin d’élargir la portée des fusionnements qui doivent faire l’objet d’un avis au Bureau avant la clôture;
    5. la prolongation du délai de prescription de la contestation d’un fusionnement après sa réalisation, qui passerait d’un an à trois ans.
  3. l’élargissement du champ d’application des dispositions relatives à l’abus de position dominante, à la collaboration entre concurrents et aux complots, y compris l’inclusion expresse d’accords de fixation des salaires et d’autres accords entre acheteurs dans la disposition relative aux complots criminels;
  4. l’augmentation des sanctions pécuniaires pour les violations des dispositions relatives à l’abus de position dominante, à la collaboration entre concurrents, aux complots et aux pratiques commerciales trompeuses;
  5. l’accès privé au Tribunal pour les cas d’abus de position dominante et de collaboration entre concurrents;
  6. l’attribution au Bureau de nouveaux pouvoirs lui permettant d’obtenir unilatéralement des témoignages oraux ou la production de documents dans des affaires pouvant faire l’objet d’un examen au civil, sans devoir obtenir au préalable une ordonnance judiciaire;
  7. la modification des dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses pour
    1. reconnaître explicitement que l’affichage de prix partiels est une pratique nuisible;
    2. transférer aux annonceurs le fardeau de prouver que les rabais annoncés sont exacts;
  8. le renforcement du pouvoir du Bureau de mener des études de marché et de contraindre la production de réponses à ces études.

Il est clair que bon nombre des propositions du Bureau visent à faciliter ses interventions sur le marché et se heurteront sans aucun doute à une certaine résistance de la part du milieu des affaires, étant donné le déséquilibre, l’incertitude et le fardeau évidents que de telles propositions introduiraient.

Pour ce qui est de l’avenir, nous nous attendons à d’autres commentaires de la part du Bureau et d’autres intervenants sur la réforme du droit de la concurrence à mesure que le ministre effectuera son examen. Il est à noter que toute réforme de la Loi devrait être effectuée par le biais du processus législatif et ne pourrait être mise en œuvre unilatéralement par le Bureau. Si l’appel à modification gagne du terrain, il sera intéressant de voir si l’élargissement proposé des pouvoirs du Bureau est lié à une transparence et à une responsabilité accrues dans l’établissement des priorités du Bureau et à une utilisation efficace des ressources du Bureau, en particulier compte tenu des augmentations du budget du Bureau qui ont été récemment annoncées, dont il est question ci-dessous.

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Un Bureau renforcé intensifierait vraisemblablement les mesures d’application de la loi, y compris sur les marchés numériques

Dans son budget de 2021, le gouvernement fédéral accordait au Bureau 96 millions de dollars en argent frais au cours des cinq prochaines années et 27,5 millions de dollars en fonds supplémentaires chaque année par la suite. Dans son discours d’octobre 2021 (mentionné ci-dessus), le commissaire a indiqué que l’argent frais serait utilisé aux fins suivantes :

  1. accroître la « capacité du Bureau d’examiner de nouveaux cas plus complexes de conduite anticoncurrentielle, surtout dans le secteur numérique »;
  2. renforcer l’équipe du Bureau chargée de l’application de la loi grâce à de nouvelles embauches, en mettant l’accent sur l’augmentation des capacités en matière de litiges et sur le recours à des experts externes;
  3. accroître la capacité du Bureau « de promouvoir des changements réglementaires et politiques favorables à la concurrence ».

L’économie numérique est restée une priorité constante de l’actuel commissaire en matière d’application de la Loi (voir, par exemple, nos commentaires sur son discours de novembre 2020). Cette priorité s’est poursuivie en 2021, avec des enquêtes en cours sur Amazon et Google. Dans le cadre du renforcement des capacités mentionné dans le discours du commissaire, le Bureau a créé une Direction générale de l’application numérique de la loi et du renseignement, qui sera un « centre d’expertise sur les pratiques commerciales et les technologies numériques ». Cette nouvelle direction générale « servira de système d’avertissement précoce à l’égard d’enjeux potentiels liés à la concurrence dans les économies traditionnelles et numériques » et fournira son expertise aux autres directions du Bureau.

En décrivant comment l’argent frais sera utilisé, le commissaire a pris soin de noter qu’il ne profitera pas directement au programme d’examen des fusionnements du Bureau, et il a laissé présager un examen des frais de dépôt pour les fusionnements au cours des deux prochaines années afin de « financer adéquatement les activités pour qu’elles correspondent aux réalités et demandes actuelles ». Bien que les frais de dépôt pour les fusionnements au Canada aient augmenté de 44 % en 2018, les commentaires du commissaire laissent entendre que d’autres augmentations sont à prévoir. À l’heure actuelle, les frais de dépôt sont de 74 905,57 $.

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L’examen des fusionnements demeure une priorité absolue du Bureau

En 2021, le volume des examens de fusionnements a rebondi de manière significative après les baisses induites par la pandémie, tendance qui, selon nous, devrait se poursuivre en 2022. Comme nous l’avions noté dans notre bulletin de l’année dernière, les vastes répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’économie en 2020 ont entraîné une baisse de plus de 20 % en glissement annuel du nombre d’examens de fusionnements effectués par le Bureau. Il est à noter que les examens de fusionnements avaient déjà repris dans la seconde moitié du mandat du Bureau, tendance qui s’est poursuivie en 2021, puisque nous avons constaté une augmentation de près de 63 % en glissement annuel des examens de fusionnements conclus entre mars et septembre. À ce jour, il n’y a pas eu d’augmentation parallèle du nombre d’examens de fusionnement menant à des mesures d’application de la Loi.

Fait intéressant, l’augmentation considérable du nombre de dépôts de dossiers de fusionnement semble avoir des effets disparates sur le calendrier des examens. De nombreuses opérations simples qui, sur le fond, ne soulèvent aucun problème de concurrence plausible semblent être approuvées plus rapidement que par le passé, si l’on se fie à notre expérience. À l’inverse, certains examens complexes nécessitant d’importantes ressources du Bureau semblent prendre plus de temps que d’habitude.

L’examen des fusionnements sera probablement au centre des discussions sur la nécessité de réformer le droit de la concurrence. Dans le mémoire qu’il a soumis au sénateur Wetston, qui préconise des réformes du processus actuel d’examen des fusionnements, le Bureau a fait valoir que les normes actuelles applicables aux injonctions devant le Tribunal limitent effectivement à 23 jours l’examen par le Bureau des documents reçus des parties au fusionnement, après quoi les documents d’injonction doivent être déposés. Par conséquent, le Bureau affirme qu’une partie du temps qu’il consacre à son examen initial pourrait être « détournée de son enquête et serait réorientée vers l’organisation de la preuve et le dépôt de documents d’injonction ». Ces arguments font écho aux thèmes abordés par le commissaire dans ses commentaires sur la décision dans l’affaire Secure Energy en 2021, dans lesquels il laissait entendre que les normes juridiques actuelles pourraient, dans certains cas, forcer le Bureau à adopter une approche moins transparente et plus axée sur les litiges pour l’examen des fusionnements.

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Risque de clôture pendant que l’examen du Bureau est en cours : décision dans l’affaire Secure Energy

En mars 2021, Secure Energy Services Inc. et Tervita Corporation, deux sociétés de services de gestion des déchets pétroliers, ont annoncé un projet de fusionnement. Dans les mémoires qu’elles ont présentés au Bureau à l’appui de l’opération, les parties ont fait valoir, entre autres, que le fusionnement était susceptible de générer des gains en efficience considérables qui l’emporteraient sur les effets anticoncurrentiels présumés de l’opération et les compenseraient (à savoir, la défense fondée sur les gains en efficience autorisée par la Loi). Peu après l’expiration des délais d’attente prévus par la Loi, les parties ont exercé leur droit de clore l’opération, malgré que l’examen du Bureau soit toujours en cours.

La veille de la clôture, le commissaire a contesté le fusionnement et a soumis au Tribunal diverses demandes d’injonction provisoire en vue d’empêcher la clôture. Dans les documents qu’il a déposés subséquemment, le commissaire a demandé que l’opération soit annulée ou, à titre subsidiaire, que les entreprises des parties soient séparées en attendant que soit jugée sa contestation sur le bien-fondé du fusionnement. Le Tribunal a rejeté les demandes d’injonction provisoire du commissaire, et l’appel du Bureau auprès de la Cour d’appel fédérale a également été rejeté. (La Cour d’appel fédérale a toutefois précisé par la suite que le Tribunal avait compétence pour ordonner l’injonction provisoire demandée par le commissaire, mais cette décision n’a pas eu d’incidence sur le refus du Tribunal d’accorder une injonction en l’espèce.) La contestation du fusionnement sur le fond par le Bureau se poursuit devant le Tribunal, le procès étant prévu pour mai et juin 2022.

Dans ses remarques d’octobre 2021, le commissaire a souligné deux aspects de la décision dans l’affaire Secure Energy, qui pourraient avoir une incidence sur les examens des fusionnements dans les années à venir. Premièrement, le commissaire a réitéré ses critiques de longue date à l’égard de la défense fondée sur les gains en efficience, à savoir qu’elle permet la réalisation de fusionnements anticoncurrentiels (y compris ceux qui donnent lieu à des monopoles ou qui font augmenter les prix pour les consommateurs). De plus, le commissaire s’est dit préoccupé par l’exigence du Tribunal suivant laquelle une estimation « approximative » du préjudice économique doit être fournie à l’appui d’une demande d’injonction provisoire lorsqu’une allégation de gains en efficience est présentée. Deuxièmement, le commissaire a laissé entendre que, si les parties à un fusionnement ne sont pas disposées à prolonger les délais d’examen prévus par la Loi pour les cas complexes, y compris ceux qui comportent une allégation de gains en efficience, le Bureau pourrait devoir « adopter une approche axée sur la contestation judiciaire qui serait coûteuse et moins prévisible pour les parties qui fusionnent ». Le commissaire a reconnu qu’une telle approche « se traduirait nécessairement par un degré moindre de transparence et d’échange de la part des équipes juridiques [du Bureau] dans les affaires où elles n’obtiennent pas d’engagement sérieux ou raisonnable en matière de délais ». Pris dans leur ensemble, ces commentaires suggèrent que les parties à un fusionnement devraient soigneusement peser les coûts et les avantages de la clôture d’une opération avant que le Bureau ait terminé son examen.

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Les modifications apportées aux Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents reflètent un élargissement de la portée de l’examen des accords entre concurrents

Après avoir publié la version provisoire de ses Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents modifiées en juillet 2020, le Bureau a publié la version finale des lignes directrices modifiées en mai 2021. Entre autres choses, la version provisoire envisageait d’élargir la portée de l’examen des accords d’achats groupés entre concurrents. Toutefois, le Bureau a par la suite précisé, dans une déclaration de novembre 2020, qu’il n’évaluerait pas les accords entre acheteurs, y compris les soi-disant accords de « non-débauchage » et les accords de fixation des salaires, en vertu des dispositions pénales actuelles de la Loi. (Par ailleurs, comme nous l’avons mentionné plus haut, le Bureau a maintenant demandé que soient apportées à la Loi des modifications qui feraient en sorte que les accords de fixation des salaires et les autres accords entre acheteurs entrent dans le champ d’application de la disposition sur les complots criminels.)

Les principales modifications apportées dans la version finale des lignes directrices modifiées sont les suivantes :

  1. un exposé approfondi des complots « en étoile » (dans lesquels un fournisseur ou un client coordonne un complot avec ses clients ou fournisseurs, respectivement), ce qui pourrait suggérer que le Bureau entend accroître les mesures d’application de la loi;
  2. une suggestion selon laquelle les clauses de non-concurrence conclues dans le cadre d’un fusionnement pourraient, dans de rares circonstances, faire l’objet d’un examen en vertu des dispositions pénales de la Loi;
  3. un rappel que les accords entre concurrents prévoyant l’utilisation d’un algorithme de prix commun pourraient constituer la base d’un accord illégal de fixation des prix, bien qu’une décision indépendante d’adopter un algorithme de prix particulier ne soit pas, en soi, suffisante pour constituer la base d’une infraction pénale;
  4. l’élargissement de la définition du terme « concurrent » pour les dispositions relatives aux affaires pouvant faire l’objet d’un examen afin d’englober les entreprises qui se livreraient concurrence à l’égard d’autres produits ou services en l’absence dudit accord.

Pour un exposé détaillé des Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents modifiées, y compris des conseils pratiques à l’intention des entreprises, veuillez consulter notre bulletin de mai 2021.

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Les actions collectives en matière de concurrence rencontrent une (légère) résistance

Les actions collectives fondées sur des violations présumées de la Loi constituent la forme dominante de litiges privés en matière de concurrence au Canada. Bien que nous nous attendions à ce que les actions collectives demeurent prédominantes dans le droit canadien de la concurrence au cours de l’année à venir, des décisions clés rendues par les tribunaux fédéraux et provinciaux en 2021 ont démontré que leur succès était loin d’être assuré.

Dans une décision très attendue dans l’affaire Mohr c. Ligue nationale de hockey, la Cour fédérale a accueilli une requête présentée par les ligues de hockey défenderesses de toute l’Amérique du Nord (y compris la LNH, l’AHL, l’ECHL, la LCH, la LHO, la WHL et la LHJMQ) visant à faire rejeter une demande d’action collective alléguant un complot visant à limiter les possibilités de négociation et la rémunération des joueurs de hockey junior qui ont signé des ententes standard. Dans sa décision, le juge en chef Crampton a conclu que les défendeurs n’étaient pas des « concurrents » en vertu des dispositions relatives aux complots criminels de l’article 45 de la Loi, et a confirmé l’opinion largement répandue selon laquelle ces dispositions ne s’appliquent pas aux accords visant l’achat d’un produit ou d’un service. De plus, le juge en chef a conclu que les dispositions relatives aux complots dans le domaine du sport professionnel, énoncées à l’article 48 de la Loi, ne s’appliquent qu’aux accords intraligues et non interligues. Il a été jugé que cette portée étroite « [cadrait] mieux avec l’économie générale de l’article 48 » et à son contexte législatif. L’article 48 interdit les accords entre des « équipes et clubs qui pratiquent le sport professionnel à titre de membres de la même ligue » – et entre les administrateurs, les dirigeants ou les employés de ces équipes et clubs – qui « [limitent] déraisonnablement » les possibilités qu’a une personne de participer au sport professionnel ou de négocier avec l’équipe ou le club de son choix et de jouer pour cette équipe ou ce club.

Par ailleurs, de récentes décisions portant sur l’homologation des actions collectives en matière de droit de la concurrence ont clarifié les conditions relativement faciles que les demandeurs doivent remplir. Dans les deux affaires Jensen v. Samsung Electronics Co. Ltd. (en anglais) et Hazan c. Micron Technology inc. (les actions collectives relatives à la DRAM), la Cour fédérale du Canada et la Cour supérieure du Québec, respectivement, ont refusé d’homologuer les actions collectives alléguant une entente internationale de fixation du prix de vente des puces DRAM, au motif que la requête en homologation ne répondait pas au critère de vraisemblance de la cause d’action ni à l’exigence relative à la similarité des questions. En fin de compte, ces tribunaux ont jugé les demandes excessivement spéculatives pour le motif que les faits allégués n’étaient pas suffisamment précis.

De même, dans l’affaire David v. Loblaw (en anglais), qui portait sur des allégations d’accord de fixation des prix visant à manipuler le prix du pain emballé, la Cour supérieure de l’Ontario n’a homologué qu’en partie l’action collective contre les détaillants et les producteurs de pain emballé. Dans sa décision, relativement à l’homologation, la Cour a conclu qu’aucune cause d’action n’était soutenable contre les sociétés mères en vertu de la Loi et que le dossier ne soutenait pas les demandes de grande portée des soi-disant acheteurs « parapluie » (umbrella purchasers), c’est-à-dire ceux qui [Traduction] « ont acheté des produits sur lesquels le soi-disant accord de fixation des prix a eu un effet choc ou indirect ». Conjointement avec les actions collectives relatives à la DRAM, cette décision confirme le rôle important de gardien que les tribunaux ont au stade de l’homologation des actions collectives.

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