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La cohérence plutôt que la déférence : les règlements sont soumis aux mêmes normes de contrôle judiciaire que les autres décisions administratives

Dans les arrêts connexes Auer c Auer (Auer) et TransAlta Generation Partnership c Alberta (TransAlta), la Cour suprême du Canada (CSC) a unanimement confirmé que les règlements et autres textes législatifs subordonnés (règlements) sont soumis à un contrôle judiciaire rigoureux, selon le cadre d’analyse établi dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov (Vavilov), qui s’applique déjà aux décisions administratives individuelles.

Points clés

  • Les arrêts Auer et TransAlta facilitent la contestation de la validité des règlements.
  • Par le passé, les personnes qui contestaient la validité de règlements devaient démontrer qu’ils étaient « non pertinents », « sans importance » ou « complètement étrangers » à l’objet de leur loi habilitante. Ce seuil a été écarté par la CSC puisqu’il impliquait un degré très élevé de déférence envers les autorités réglementaires, qui était incompatible avec un contrôle judiciaire rigoureux.
  • La CSC a confirmé dans Auer et TransAlta que les règlements seront, dans la plupart des cas, examinés en fonction de la norme de la décision raisonnable. Pour être valides, ils devront alors être autorisés selon une interprétation raisonnable de la loi habilitante. Il s’agit d’un contrôle judiciaire rigoureux : les cours interviendront lorsque nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus réglementaire.
  • La norme plus exigeante de la décision correcte s’appliquera au contrôle judiciaire des règlements dans certains cas, notamment dans le cas des règlements contestés sur la base d’arguments constitutionnels. Une interprétation raisonnable ne suffira pas dans ces cas : les cours s’assureront plutôt que les règlements soient autorisés selon l’interprétation correcte de la loi habilitante.

Décisions

Ces affaires découlent de deux contestations de la validité de règlements, toutes deux initiées en Alberta. Les affaires ont révélé des désaccords au sein des tribunaux inférieurs quant aux normes de contrôle à appliquer aux cas où la validité d’un règlement est contestée au motif qu’il ne serait pas autorisé par sa loi habilitante ou serait incompatible avec celle-ci.

La CSC a donné une réponse claire à la question, dans de rares motifs unanimes rédigés par la juge Côté. La Cour a décidé que le cadre analytique de Vavilov s’applique au contrôle judiciaire de la validité d’un règlement dans ces cas, et ce, peu importe l’autorité réglementaire concernée, sa proximité avec le pouvoir législatif ou le processus par lequel le règlement a été adopté.

Selon le cadre analytique de Vavilov, que nous avons précédemment commenté, il faut présumer que le contrôle judiciaire des décisions administratives s’effectue selon la norme de la décision raisonnable. La norme plus exigeante de la décision correcte s’applique lorsque le Parlement (ou une législature) l’indique, ou lorsque la primauté du droit l’exige. La norme de la décision correcte s’applique aux questions constitutionnelles, aux questions de droit d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et aux questions liées à la frontière entre les compétences respectives d’organismes administratifs, entre autres.

L’application de ces normes de contrôle aux règlements signifie que pour être valides, les règlements devront désormais être autorisés selon une interprétation raisonnable de leur loi habilitante (lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique) ou selon l’interprétation correcte de leur loi habilitante (lorsque la norme de la décision correcte s’applique, comme lorsque les règlements sont contestés en raison de leur incompatibilité avec le partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux).

La CSC devait également déterminer si les principes établis en 2013 dans l’affaire Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et soins de longue durée) (Katz) demeuraient pertinents suivant l’arrêt Vavilov. Dans l’arrêt Katz, la CSC avait statué que les règlements devaient être « non pertinents », « sans importance » ou « complètement étrangers » à l’objet de leur loi habilitante pour être jugés incompatibles avec cette loi.

La CSC a écarté ce seuil, qu’elle a décrit comme connotant un degré de déférence très élevé, aujourd’hui incompatible avec le contrôle judiciaire rigoureux garanti par l’arrêt Vavilov. La CSC a aussi estimé que le maintien de ce seuil compromettrait la promesse de simplicité, de prévisibilité et de cohérence du contrôle judiciaire de l’arrêt Vavilov.

Au-delà de ce seuil, plusieurs autres principes de Katz resteront pertinents. Les règlements continueront d’être présumés valides jusqu’à preuve du contraire et, dans la mesure du possible, les tribunaux continueront de favoriser une interprétation qui réconcilie les règlements contestés avec leur loi habilitante. En outre, la CSC a réitéré le principe bien établi selon lequel le contrôle judiciaire des règlements vise à déterminer si l’adoption des règlements est légalement autorisée, et non à déterminer si les règlements sont nécessaires, judicieux ou efficaces sur le plan politique.

Dans les affaires Auer et TransAlta, la CSC a réitéré sa promesse de simplicité, de prévisibilité et de cohérence dans le droit du contrôle judiciaire, et a clos l’une des questions clés qui persistaient malgré l’arrêt Vavilov. Les autres questions devant toujours être abordées par la plus haute cour incluent celle de la norme de contrôle à appliquer lorsque des règlements sont contestés parce qu’ils ont été adoptés sans respecter la procédure légalement requise (p. ex., sans publication ou consultation préalable). La capacité du Parlement ou des législatures à indiquer des normes de contrôle différentes dans les lois continuera également à faire couler de l’encre. En particulier, à la suite de débats récents en Cour d’appel fédérale, la CSC pourrait bientôt devoir indiquer si le Parlement et les législatures sont habilités à exclure complètement le contrôle judiciaire sur certaines questions, telles que les questions de fait.

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