Bulletin

Entrée en vigueur de la première série de modifications importantes à la Loi sur la concurrence du Canada

Auteurs : Charles Tingley et Umang Khandelwal

La sanction royale du projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, le 15 décembre 2023, entraine l’entrée en vigueur de modifications importantes visant le cadre du droit de la concurrence au Canada.

Les modifications suivantes sont entrées en vigueur immédiatement le 15 décembre 2023 :

  • Abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience dans le cadre de fusionnements. Toutefois, la Loi sur la concurrence permet au Tribunal de la concurrence de prendre en compte des facteurs pertinents pour la concurrence sur un marché touché par un fusionnement. Comme l’a récemment reconnu le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») dans son témoignage devant le Sénat en lien avec le projet de loi C-56 : [traduction] « les gains en efficience favorables à la concurrence découlant d’un fusionnement pourraient certainement être pris en compte afin de déterminer si un fusionnement empêche ou diminue sensiblement la concurrence ».
  • Habilitation du commissaire à mener des enquêtes sur les marchés formelles avec pouvoirs de collecte d’information (sous la supervision des tribunaux), à la condition que le commissaire consulte au préalable le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada (le « ministre »). Dans le cadre de ce nouveau régime d’enquêtes sur les marchés, le ministre peut également ordonner au commissaire de mener une enquête sur un marché.
  • Mise en œuvre d’un nouveau cadre relatif à l’abus de position dominante qui appliquerait un critère différent selon que le recours recherché est : (i) une ordonnance d’interdiction (c’est-à-dire une ordonnance interdisant à l’entité en position dominante de se livrer au comportement contesté) ou (ii) d’autres recours, comme des sanctions pécuniaires ou des ordonnances visant à rétablir la concurrence.

    Pour obtenir une ordonnance d’interdiction, le commissaire ou une partie privée autorisée à agir n’aura maintenant qu’à établir (i) qu’une entreprise est dominante (ou qu’un groupe d’entreprises est conjointement dominant); et (ii) que l’entreprise ou le groupe d’entreprises s’est livré à une pratique ayant une intention ou un effet anticoncurrentiel qui ne résulte pas d’un rendement concurrentiel supérieur.

    Pour obtenir d’autres recours (comme des sanctions pécuniaires ou une ordonnance visant à rétablir la concurrence), le commissaire ou la partie privée continuera de devoir démontrer qu’une entreprise est dominante, s’est livrée à une pratique d’agissements anticoncurrentiels et que cette pratique empêche ou diminue sensiblement la concurrence ou est susceptible de le faire.
  • Élargissement des dispositions relatives à l’abus de position dominante pour inclure l’imposition directe ou indirecte de « prix de vente excessifs et injustes » en tant qu’agissement anticoncurrentiel. Un agissement sera susceptible d’être sanctionné s’il était destiné à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence.
  • Augmentation des sanctions pécuniaires maximales prévues en cas d’abus de position dominante, qui sont portées à 25 millions de dollars canadiens dans le cas d’une première ordonnance (et pourraient atteindre 35 millions de dollars canadiens dans le cas de chaque ordonnance subséquente) ou, si elle est plus élevée, à trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement (ou, si cette somme ne peut être raisonnablement déterminée, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la personne).

Les modifications supplémentaires suivantes entreront en vigueur un an après la sanction royale du projet de loi C-56 (c’est-à-dire le 15 décembre 2024) :

  • Élargissement des dispositions civiles relatives aux « accords entre concurrents » prévus à l’article 90.1 de la Loi sur la concurrence afin de permettre au commissaire de contester des accords conclus entre non-concurrents (comme les accords verticaux) lorsque (i) « l’un des objets importants de l’accord ou de l’arrangement – ou d’une partie de celui-ci – est d’empêcher ou de diminuer la concurrence dans un marché » et (ii) l’accord ou l’arrangement empêche ou diminue sensiblement la concurrence sur un marché ou est susceptible de le faire;
  • Abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience pour les accords visés par l’article 90.1.

Prochaines étapes

Le Bureau de la concurrence a indiqué qu’il « collaborera avec les intervenants pour mettre en œuvre les modifications de la manière la plus ouverte et la plus efficace possible. Notamment, le Bureau révisera et mettra à jour ses lignes directrices en matière d’application de la loi afin d’assurer la transparence et la prévisibilité pour les entreprises et le milieu juridique ».

Le projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, renferme d’autres modifications importantes à la Loi sur la concurrence. Ce projet de loi est toujours en cours d’examen par le Parlement et devrait être adopté au début de 2024.

De plus amples renseignements sur l’ensemble des modifications à la Loi sur la concurrence contenues dans ces deux projets de loi et sur leurs répercussions sont présentés dans notre bulletin précédent.

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